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Gilles Carnoy logo Carnet de route en Droit Immobilier

Carnoy & Braeckeveldt, avocats de l’immobilier à Bruxelles

Problème de financement d’une acquisition immobilière sur levée d’option payante

Sur le plan des principes, une acquisition d’option et une vente immobilière sur levée d’option, constituent évidemment une opération parfaitement légale.

Cette technique est généralement admise en doctrine (B. Khol, « La vente d’immeuble (de gré à gré) », Chroniques notariales, oct. 2021, vol. 73, p. 68) et en jurisprudence ; elle est courante dans la pratique immobilière.

Elle est cependant à manier avec prudence et ne peut se réaliser au moyen de document trahissant la réalité.

Nombreux sont les notaires frileux, et ils ont raison lorsque l’option est payante et que son prix est imputable sur le prix de la vente, en raison du risque de mutation apparente de l’article 188 C. Enreg.

Mais il existe un autre problème qui incite de nombreux opérateurs à dépasser les limites du cadre légal de cette opération.

Il s’agit du problème posé par le financement d’un prix d’acquisition qui comprend un prix d’option.

On rencontre souvent la situation suivante :

Un opérateur, souvent un agent immobilier, obtient une option d’achat au prix P1 (un droit d’acheter à ce prix) qu’il peut céder au prix P2.

S’il lève l’option acquise, le candidat acquéreur va payer en tout P1 + P2 étant entendu que le prix P1 est destiné au vendeur et le prix P2 est destiné au cédant de l’option.

Dans le résidentiel, l’acquéreur finance généralement son investissement.

Il affecte ses ressources personnelles à ce que l’on appelle « l’apport personnel » exigé par la banque.

Aussi, ne dispose-t-il pas nécessairement des moyens permettant d’acquérir l’option.

Comme l’acquéreur ne peut contracter un prêt hypothécaire de type « logement » pour financer un prix d’option, l’agent immobilier propose d’afficher un prix global P3 qui est en réalité P1 + P2.

Exhibant le seul prix P3 à la banque, le candidat acheteur finance le tout.

Il arrive même que, ce faisant, l’agent immobilier recueille et accepte une offre au prix P3 permettant au candidat acquéreur d’aller chercher un accord de principe sur le financement.

Une telle offre dissimule deux éléments : (i) le cédant de l’option se présente comme le vendeur qu’il n’est pas et (ii) les parties présentent la vente à un prix inexact.

  • La fraude au crédit

L’agent immobilier ou l’opérateur ne peut en aucun cas participer, directement ou par incitation, à une fraude au crédit-logement.

Déguiser le prix pour provoquer un financement global est une fraude. 

Et comme il existe une intention de se faire délivrer un avantage auquel on n’a pas droit, l’élément moral du faux est établi, ce qui constitue l’incrimination pénale.

L’agent immobilier qui propose, qui conçoit ou qui collabore à cette fraude en est coauteur, sinon complice (art. 67 du Code pénal).

  • La déontologie de l’agent immobilier

Si l’opérateur qui travaille avec des options est un agent immobilier (c’est fréquent), il s’expose à une lourde sanction par la chambre exécutive de l’IPI.

En effet, d’une part il pratique ou participe à une fraude au crédit et, d’autre part, il méconnait l’article 67 du Code de déontologie.

Selon cette disposition,

« L’agent immobilier intermédiaire, lui-même ou par personne interposée, ne peut, quant à un bien pour lequel il s’est vu confier une mission, manœuvrer aux fins de devenir cocontractant de son commettant, que ce soit ou non via un mécanisme d’option cessible.

Toutefois, il peut proposer ouvertement de devenir cocontractant de son commettant, à la condition qu’il renonce à poursuivre la mission relative au bien concerné et que les intérêts légitimes de son commettant ne soient pas lésés ».

Cela signifie que l’agent immobilier ne peut substituer à sa mission de recherche immobilière une option (généralement plus profitable qu’une commission de 3 %).

Il est fait exception à ce principe si l’agent renonce à sa mission, informe complètement le commettant des tenants et aboutissants de l’option et l’invite à faire expertiser le bien par un tiers.

C’est cela que veut dire l’expression «  … que les intérêts légitimes de son commettant ne soient pas lésés ».

Pour cette raison, il est toujours préférable de facturer une commission d’agent immobilier au vendeur.

Le paiement de la commission peut aussi être reporté sur l’acheteur, à la condition qu’il y ait un accord exprès des trois parties, dit l’article 27 du Code de déontologie.

  • Que font les opérateurs, alors ?

Si le prix financé est bien le prix réel, les options sont les suivantes :

  • Soit l’acquéreur paie l’option directement à l’opérateur ou à l’agent immobilier (dans les limites précitées) au moyen de ses fonds propres (mais cela compromettra sa bancabilité en apport personnel). Il est tentant alors pour l’acheteur de souscrire un prêt personnel à la consommation mais le timing est important : la banque doit déclarer chaque nouveau prêt à la centrale des crédits dans les deux jours. Cela peut amener le prêteur logement à s’interroger.
  • Soit l’opérateur cède l’option et concède un plan d’apurement à l’acquéreur pour la payer.
  • Soit l’opérateur ou l’agent immobilier renonce à céder l’option et apporte le candidat acheteur au vendeur contre une commission. Le vendeur vend alors le bien au prix plein (qui sera bien finançable) et sert une commission correspondant au prix de l’option, mais il devra s’acquitter de la TVA.

C’est cette formule qui est le plus souvent pratiquée.

Elle reste délicate sur le plan déontologique en raison de l’article 65 du Code de déontologie, qui dispose :  

« L’agent immobilier intermédiaire ne peut stipuler de mode de détermination de ses honoraires qui crée une situation de conflit entre ses intérêts et ceux de son commettant, notamment en stipulant des honoraires correspondant au surplus entre le montant initialement convenu avec son commettant et celui effectivement obtenu de la transaction faisant l’objet de sa mission. »

Par ailleurs, un agent immobilier qui arrive à cette situation a certainement mal exécuté son premier devoir de courtier : celui d’évaluer le bien « de manière sincère », comme le dit l’article 46 du Code.  

Parfois on constate encore que l’agent immobilier persuade le vendeur de vendre au prix global, prix d’option compris, pour permettre à l’acquéreur de faire financer les deux prix en un.

Le vendeur rétrocède alors tout ou partie du prix de l’option à l’agent immobilier.

Cela suppose un accord avec le vendeur qui peut se sentir lésé.

Et cela ne règle pas :

  • La question de la TVA qui devra tout de même être payée par le vendeur ou qui sera intégrée dans la rétrocession du prix, à peine de fraude à la TVA,
  • La prohibition de la pratique de l’option par un agent immobilier, l’obligation d’évaluer correctement et la prohibition de l’article 65,
  • La fraude au crédit hypothécaire au moyen d’un faux auquel l’agent immobilier participe.

Ce qui signifie que si le notaire réalise ces éléments, il refusera de prêter son ministère.

  • Le rôle du notaire

Le notaire est un officier public. Il exerce un ministère et détient une parcelle de l’autorité publique.

Il n’est pas seulement un prestataire de service. Son intervention est à la fois contractuelle et légale, encadrée par la loi et par sa déontologie.  

Lorsque le notaire estime que l’acte qu’on lui demande de recevoir est susceptible d’induire autrui en erreur (en l’occurrence l’administration fiscale ou la banque), le notaire peut – et même doit – refuser son ministère.

L’article 3 du Code de déontologie des notaires dispose que « le notaire prête son ministère chaque fois qu’il en est requis. Il doit le refuser dans les cas suivants : 1° lorsque l’acte qu’il est requis de recevoir contient des dispositions contraires à une loi d’ordre public ou susceptibles d’induire les tiers en erreur […] »

Force est de reconnaître qu’une formule intégrant le prix de l’option dans le montant financé risque bien de verser dans la fraude au crédit-logement par la présentation d’un faux remis à la banque.

Le notaire vigilant exercera son devoir de conseil impartial en décourageant toutes les parties de procéder ainsi.

  • Risques du point de vue fiscal

Existe-t-il un risque de vente en triangle, c’est-à-dire un risque de simulation ?

La simulation en droits d’enregistrement consiste à présenter un acte à la formalité de l’enregistrement alors que cet acte ne constate pas la convention qui a été conclue entre les parties, qu’il est incomplet ou inexact (art. 203 et 204 C. Enreg.).

La personne du vendeur doit être le propriétaire ; le cédant de l’option ne peut apparaître comme tel. Si c’est le cas, l’administration pourra invoquer la mutation apparente de l’article 187 C. enreg. et taxer deux fois.

Si l’administration considère que la cession d’option simule une acquisition préalable par l’agent immobilier, les droits seront perçus sur la mutation occultée et seront encore perçus à charge de chaque partie, à titre d’amende.

Mais s’il s’agit d’un opération où chacun tient son rôle, la simulation est exclue : Le vendeur confère une option et l’agent immobilier ne cède qu’une option ; la vente intervient directement entre l’acheteur cessionnaire d’option et le propriétaire vendeur et les deux prix (pour l’option et pour l’immeuble) sont bien payés séparément à des personnes différentes.

Certains auteurs relèvent, par ailleurs, le risque d’abus fiscal.

L’abus fiscal suppose, d’après les travaux parlementaires, que l’administration démontre que l’acte ou l’ensemble d’actes accompli par le contribuable ait un « caractère artificiel » et que le contribuable se soit ainsi « placé dans une situation tellement proche de celle visée par la loi fiscale qu’en réservant un traitement différent à cette situation, on méconnaîtrait l’objectif et l’esprit de la loi ».

En choisissant d’acquérir une option et de la céder avec une marge pour permettre au cessionnaire d’acquérir l’immeuble en levant l’option, les parties font une mutation de ce qui est généralement conçu en deux mutations (avec éventuellement la restitution de l’article 212 C. en reg.).

Autrement dit, les parties réalisent une opération qui ressemble à une acquisition-revente, qui pourrait être vue comme présentant un caractère artificiel qui méconnait l’intention du législateur de taxer chaque mutation.

L’article 18, alinéa 2, C. enreg. permet cependant au redevable d’apporter la contre-preuve de l’abus fiscal.

Cela signifie qu’il doit démontrer que le choix de l’opération répond aussi à un objectif non fiscal, qui ne doit pas être prépondérant mais qui ne peut être négligeable.

Or le recours à l’option cessible permet de ne pas devoir préfinancer le bien en vue de le revendre. Le marchand réalise ainsi sa marge sur l’option et ne doit pas immobiliser de l’argent pour acheter en vue de revendre ; il évite les démarches de la vente (frais, certificats, etc.) et surtout il ne doit pas garantir le bien.

C’est pourquoi on considère généralement que l’option cessible n’est pas un abus fiscal.

Lorsqu’un assujetti cède une option, la TVA est portée sur le prix de celle-ci.

L’opération n’implique pas, en soi, une fraude à la TVA dès lors que le cédant de l’option facture le prix de l’option en soumettant ce service à la TVA.

Si l’agent immobilier présente une vente au prix global P3, pour faire financer l’ensemble, l’acheteur supporter une double charge fiscale ; il paiera :

  • d’une part les droits d’enregistrement sur la totalité du prix comprenant le prix de l’option qui s’ajoute à la base imposable au droit proportionnel,
  • et, d’autre part, la TVA sur sa facture.

En résumé, la marge est étroite pour rester dans la légalité, surtout pour un agent immobilier.

Une grande prudence s’impose.

La photo : une jolie maison de style entre l’Art Déco et le modernisme, rue Antoine Bréart 142 à Saint-Gilles (architecte Paul Le Bon, 1927). En voyant la photo, on comprend pourquoi l’urbanisme ne veut plus de descente d’eau pluviale apparente …

Commentaires

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  1. Adrien #

    Bonjour et merci pour cet article.

    Pour être sûr de bien comprendre, en tant que particulier, si je veux légalement céder une option d’achat en prenant une marge dessus je suis obligé de :

    – Céder l’option au prix P1 pour que l’acquéreur puisse financer ce montant par la banque sans faire de faux
    – Demander le prix de l’option P2 à part, sachant que ce montant ne peut pas être financé par la banque

    Dans ce scénario, il faut (est-ce même possible ?) mettre une condition suspensive qui stipule que l’option ne peut pas être cédée tant que le pris P2 n’a pas été versé sur le compte du Notaire ?

    Et dans ce scénario, le notaire peut-il passer l’acte en restant dans la légalité du coup ?

    Merci de votre retour et merci pour votre blog très intéressant.

    Bien à vous,
    Adrien

    juillet 13, 2022

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