Les redevances et charges d’un droit de superficie sont taxées en droit d’enregistrement au taux de 2 % (art. 84 C. enreg.).
Et cette base imposable est aussi celle retenue au titre de revenu immobilier à l’IPP lorsque le constituant est une personne physique (art. 7, § 1, 3°, CIR juncto art. 10, § 1, CIR).
Un arrêt de la Cour d’appel d’Anvers du 15 mars 2022, publié sur Taxwin, illustre cette réalité.
Des parents avaient fait donation d’une maison à leur deux fils. Sur ce, le même jour, les deux fils ont concédé un droit de superficie aux parents sur la maison.
Aucune redevance en argent n’est prévue mais il fut stipulé que la redevance consisterait en l’acquisition gratuite après dix ans des constructions érigées par le superficiaire.
Dix ans plus tard, l’administration émet un avis de rectification pour taxer les frères sur un revenu immobilier correspondant aux travaux évalués à 150.000 €.
L’article 6 de l’ancien droit (loi du 10 janvier 1824) applicable à l’espèce, prévoit qu’une redevance d’accession est due sur les travaux, tandis qu’aucune redevance n’est due sur les constructions existantes à la constitution du droit, selon l’article 7.
Pour la Cour d’appel d’Anvers, l’intention des parties était donc que l’accession gratuite des travaux de rénovation effectués par les parents était la rémunération contractuelle du droit de superficie.
Le coût des travaux constituait donc un revenu immobilier taxable dans le chef des fils.
Les fils ont fait valoir que la redevance de superficie devait être taxée à la constitution du droit et non à l’accession, dix ans plus tard.
Pour la Cour d’appel d’Anvers, la redevance n’a été attribuée qu’au moment de l’extinction du droit de superficie, lors de l’accession. C’est donc à ce moment qu’elle est taxable.
Il n’existe pas de valeur vénale en matière de redevance de droit réel d’usage, comme pour la vente d’immeuble. Si donc aucune redevance de superficie n’est due, seul le droit général fixe est dû.
Mais si le superficiaire est contractuellement obligé de construire ou rénover, c’est une charge qui est taxable en droit d’enregistrement et donc à l’IPP via l’article 10, § 1, CIR.
Mais si la construction ou la rénovation est stipulée facultative, il n’existe pas de charge et rien n’est taxable.
L’indemnité d’accession en fin de droit était légalement prévue à l’époque, et elle l’est toujours dans le nouveau livre . Mais c’était et c’est toujours de droit supplétif.
En principe, et comme telle, cette indemnité n’est pas un revenu taxable ni en droit d’enregistrement ni à l’IPP.
Les choses auraient-elles été différentes si :
- Il n’y avait pas eu de redevance,
- Ni d’obligation de rénover,
- Ni d’indemnité d’accession,
- Ni de stipulation que la renonciation à l’indemnité légale d’accession constitue la redevance,
- Ni d’intention libérale animant cette renonciation ?
Sans doute pas.
En effet, si l’administration constate qu’en réalité une rémunération existe, elle peut taxer et ne doit même pas invoquer la simulation à cet effet, puisqu’elle relève une rémunération apparente.
L’abus fiscal ne doit pas davantage être appelé à la rescousse puisque l’objectif du législateur n’est pas de taxer un droit de superficie gratuit.
En réalité un élément de fait jouera une grande influence, étant la durée du droit.
Si le droit est de courte durée, la privation de jouissance ne justifie pas la gratuité de l’accession.
Si le droit est de longue durée, la privation de jouissance pourrait justifier la gratuité de l’accession.
Mais s’il y a justification de l’accession gratuite, cela ne signifie-t-il pas, justement, qu’il s’agit là de la contrepartie au droit de superficie ainsi constitué ?
L’administration dispose donc à notre avis d’un argument pour taxer les hypothèses où l’accession est gratuite, et ceci quelle que soit la durée du droit.
Mais, en pratique, il n’en demeurera pas moins impossible pour l’administration de poursuivre un paiement des droits au jour de l’acte.
L’enregistrement et le paiement des droits doivent avoir lieu dans les quatre mois de l’acte constitutif (ou les 15 jours de l’acte notarié).
Mais, s’il n’y a pas d’obligation de bâtir, l’accession – même gratuite – n’est qu’hypothétique au jour de l’enregistrement.
Cette gratuité de l’accession, même vue comme contrepartie au droit, est donc incertaine.
La contrepartie est donc incertaine. Comme elle ne peut être déterminée au jour de l’acte, les droits ne sauraient donc être prélevés.
Mieux vaut alors que les parties ne décrivent pas dans leur acte l’immeuble que le superficiaire à la « faculté » (affichée) de construire.
Si cet immeuble sort de terre rapidement, l’administration aura alors beau jeu de démontrer que la faculté affichée était feinte, simulée, et solliciter le paiement des droits a posteriori.
Terminons en précisant que les choses sont différentes si le constituant est dirigeant de la société superficiaire (application du principe d’attraction) ou s’il existe une entreprise qui concède un avantage anormal ou bénévole.
La photo : le nouveau siège de la banque BNP Paribas Fortis rue de la Montagne à Bruxelles aussi massif et prétentieux que l’institution qu’il abrite. Le bâtiment serait beau s’il pouvait s’exprimer. Là, il écrase tout et ne peut déployer la beauté que lui confère sa forme. Horta reçu des instructions très strictes lorsqu’il conçut le Palais des Beaux-Arts qui fait aujourd’hui face à la banque. Horta ne pouvait toucher à la perspective qui donnait sur le Palais royal. L’architecte dut déployer des trésors d’imagination pour lover son œuvre dans un volume étriqué et en pente. La banque, elle, a pris tout l’espace et étouffe confortablement le bâtiment Horta.
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