Les propos qui suivent portent sur les incidents que peut connaître une vente d’immeuble situé en Belgique.
Il faut garder à l’esprit que la résolution ou l’annulation amiable d’une vente en Wallonie et en Flandre, est à présent, et fort heureusement, réglementée.
En Flandre : décret du 23 novembre 2007 en vigueur le 1er novembre 2007. En Wallonie : décret du 30 avril 2009, en vigueur le 1er juillet 2009.
Ces régimes permettent l’annulation ou la résolution amiable d’un compromis au droit de 10 €, à certaines conditions.
On y reviendra plus loin.
Cela signifie que plusieurs règles exposées ci-dessous concernent essentiellement la Région de Bruxelles-Capitale, pour ce qui concerne la dissolution amiable de la convention de vente.
La vente
Il est bien connu qu’une vente d’immeuble situé en Belgique doit être enregistrée au droit proportionnel dans les quatre mois, au taux de 12,5 % (ou 10 % en Flandre).
A défaut de compromis écrit, une déclaration doit être enregistrée (art. 19, 2°, 32, 4°, 35, 6° et 44 CDE).
Le jugement
Le droit d’enregistrement s’élève à 3 % sur les condamnations portées dans les jugements (art. 142 CDE).
Ce droit n’est pas applicable aux ordonnances de référé (art. 143, 1°, CDE).
Quand un jugement porte sur l’exécution d’une vente d’immeuble
Lorsqu’une partie veut contraindre son cocontractant à exécuter l’acte de vente d’un immeuble situé en Belgique, il doit procéder en justice afin de faire sanctionner son droit.
C’est le cas du vendeur qui cite en passation d’acte et paiement du prix.
Cela peut être aussi l’acheteur qui cite en délivrance.
Comme on l’a vu plus haut, les jugements sont présentés à la formalité de l’enregistrement puisque des droits sont en principe dus sur les condamnations.
Lorsqu’un jugement fait titre d’une convention translative (vente) ou déclarative (cession de droits indivis) de propriété (ou d’usufruit) d’un immeubles et qu’elle n’a pas été enregistrée, les droits de mutation sont dus, indépendamment du droit établi par l’article 142.
Autrement dit, si les droits proportionnels n’ont pas encore été acquittés, ces droits seront dus sur le jugement ordonnant la passation de l’acte et le paiement, ou ordonnant la délivrance du bien (art. 146 CDE).
Peut-on éviter cela en agissant en référé, par exemple en demandant une mesure d’injonction de se présenter chez le notaire pour passer l’acte, sous peine d’astreinte ?
Non, car l’article 146 CDE porte sur les droits dus sur la mutation et non sur une condamnation (art. 142).
Cette disposition s’entend « indépendamment du droit établi par l’article 142 ».
Or l’article 143 CDE exonère les ordonnances de référé des droits de l’article 142, pas ceux de l’article 146 CDE.
Le risque existe-t-il déjà au stade de la citation, depuis que les exploits d’huissiers ne sont plus enregistrés et que les droits sont payés en débet ?
Non, car l’arrêté royal du 28 novembre 2008 qui porte cette dispense, ne concerne pas les actes d’huissier faisant mention d’une convention enregistrable et non enregistrée (art. 2, 2°).
Quand le jugement porte sur la résolution d’une vente d’immeuble
Concernant les jugements faisant non pas le titre d’une vente (ou d’un usufruit) mais portant résolution de la convention non enregistrée, l’article 146, alinéa 2, ajoute que les droit sont pareillement dus sauf s’il résulte du jugement que l’action en résolution a été introduite dans l’année de la vente.
Il est donc important de citer en résolution dans le délai d’un an.
Mais cela ne suffit pas. Il faut aussi demander au juge de bien viser la date de la convention dans son jugement.
En effet, l’article 146, alinéa 2, précise que la condition du délai doit résulter du jugement.
Dans ce cas, même si les droits n’ont pas été payés, on peut échapper à l’enregistrement qui devrait être provoqué par le jugement.
Une demande en justice qu’introduit le vendeur pour faire condamner l’acheteur à la passation de l’acte authentique, n’a aucun effet suspensif du délai d’un an visé dans l’article 146, alinéa 2, même si la citation introductive réserve l’introduction d’une action en résolution, dit la Cour de cassation dans un arrêt du 14 janvier 2011 (rôle n° F.09.0160.N, www.juridat.be, notre traduction ; voy. aussi Gand, 15 novembre 2007, www.fisconet.be).
Si la vente a été enregistrée
Ce qui précède concerne la vente d’immeuble qui n’a pas été enregistrée.
Qu’en est-il de la vente déjà enregistrée au droit proportionnel ?
Si les droits ont été payés avant la procédure ou avant le jugement, ils sont restituables dans les conditions de l’article 209 CDE, et sous déduction du droit fixe.
C’est le cas si la convention disparaît par l’effet d’une cause de nullité inhérente à l’acte (faux, vice consentement), prononcée par le tribunal, et non par une annulation organisée par les parties et demandée au juge (art. 209, 2°, CDE).
C’est aussi le cas si la convention est résolue pour inexécution, pour autant que la demande ait été introduite dans l’année de la convention (art. 209, 3°, CDE).
La citation doit être réalisée dans l’année, même devant un juge non compétent.
En revanche, si le tribunal dit la demande non recevable, par exemple pour nullité de l’acte introductif en raison d’une violation de la loi sur l’emploi des langues, et que la demande est réintroduite en dehors du délai d’un an, les droits sont-ils restituables ?
Nous ne le pensons pas car l’article 40, alinéa 3, de la loi du 15 juin 1935 l’emploi des langues en matière judiciaire sauve les délais de prescription et les délais de procédure impartis à peine de déchéance.
Ce n’est pas le cas du délai de l’article 209, 3° précité.
Le délai d’un an n’est pas requis pour l’action en annulation d’une vente. Mais on gardera à l’esprit que l’action en restitution se prescrit par deux ans.
En dehors des cas énoncés ici, les droits régulièrement perçus ne peuvent être restitués (art. 208 CDE).
La contre mutation résultant du jugement
Lorsqu’un jugement annule une vente d’immeuble ou dissout la vente pour inexécution, la contre mutation qui en résulte n’est pas soumise aux droits d’enregistrement (art. 147 CDE), à moins qu’elle ne soit prononcée au profit d’un héritier ou d’un légataire.
Le cas du jugement d’annulation, avant paiement des droits
Revenons à la vente d’immeuble située en Belgique qui fait l’objet d’un jugement d’annulation (non conventionnelle).
Si les droits ont été payées, ils sont restituables comme déjà dit (art. 209, 2°, CDE).
S’ils n’ont pas été payés, ils sont en principe dus, vu l’article 146, alinéa 1, CDE.
Il est vrai que l’article 146, alinéa 2, ajoute que les droits ne sont pas dus si le jugement prononce la résolution ou la révocation, « pour quelque cause que ce soit », mais une résolution ou une révocation n’est pas une annulation.
Autrement dit l’article 146, alinéa 2, ne concerne pas l’annulation, ce qui est fâcheux car les droits devraient être perçus.
Un jugement du 11 février 2009 du tribunal de première instance de Louvain (www.fisconet.be) apporte une solution à cette situation.
Une vente d’immeuble fut résolue en première instance puis annulée en appel.
L’administration avait entretemps décerné une contrainte pour les droits d’enregistrement et opposition fut formée contre cette contrainte.
Le tribunal a considéré qu’à la suite de l’annulation ex tunc de la vente par la Cour d’appel, la vente était censée n’avoir jamais existé, si bien que la contrainte était devenue sans objet pour les droits et l’amende dus en raison de la vente.
Le jugement applique un pacte commissoire exprès
Revenons au jugement de résolution d’une vente conclue il y a moins d’un an.
Comme on l’a vu, l’article 146, alinéa 2, permet d’éviter l’enregistrement au droit proportionnel.
Mais il y a deux manières de dissoudre une convention de vente pour inexécution.
Soit sur base de l’article 1184 Code civil (condition résolutoire tacite), soit sur base de l’article 1183 du même Code (condition résolutoire expresse).
Si la condition résolutoire est expresse, le juge ne peut que constater l’existence de la condition, sans plus.
Cela signifie qu’il ne s’agit pas à proprement parler d’une résolution à la suite d’une action en justice au sens de l’article 209, 3° CDE.
Les parties se trouvent alors dans une situation inconfortable car les droits ne seront pas restituables en cas de défaillance de l’acheteur.
En effet, l’article 209 ne s’appliquera pas.
Cela signifie qu’il faut faire abandon du pacte commissoire exprès en cas de procédure, même si l’existence du pacte commissoire exprès rend la procédure plus confortable.
Le demandeur demandera alors au juge de résoudre la vente pour faute (par exemple sur base de l’article 1654 du Code civil pour non paiement, ou de l’article 1644 pour vice caché).
Enfin, sur la rétrocession résultant de la résolution par application d’un pacte commissoire exprès, les droits ne seront pas perçus.
En effet, pareille résolution intervient de plein droit, par l’effet de la loi ou de la convention, et non de l’acte des parties.
La résolution amiable non judiciaire de la vente
La résiliation amiable d’une vente ne dispense pas les parties de la formalité de l’enregistrement.
Et les droits ne sont pas restituables car les conditions de l’article 209 CDE ne sont pas réunies.
Les droits sont dus sur la vente amiablement dissoute.
Qu’en est-il de la contre mutation qui en découle ?
Elle est taxable sauf si la vente résiliée était convenue avec transfert de propriété différé (par exemple si le transfert devait intervenir à l’acte ou au paiement).
En ce cas, la résiliation avant le transfert de propriété, n’est pas regardée comme une seconde mutation, ou une contre-mutation taxable, car l’acheteur ne peut retransférer une propriété qu’il n’a pas eu.
Le tribunal acte une dissolution voulue par les parties
On appliquera les mêmes règles.
En effet, ni les conditions de l’article 146 CDE ne sont rencontrées, ni celles pour la restitution si les droits n,’ont pas été payés (art. 209).
C’est aussi le cas de la fausse annulation, ou résolution, demandée pour des raisons fiscales.
La dissolution amiable de la vente d’un bien situé en Flandre
Il existe heureusement une réglementation en Flandre, permettant aux parties d’annuler ou de constater la résolution d’une convention de vente à des conditions moins onéreuses.
Lorsque le compromis et l’avenant de dissolution sont présentés ensemble à l’enregistrement dans les quatre mois, les deux actes sont enregistrés au droit de 10 €, aux conditions suivantes :
- L’acte n’est pas encore passé,
- L’avenant de dissolution intervient dans l’année de la vente.
Lorsque le compromis et l’avenant de dissolution sont présentés ensemble à l’enregistrement en dehors du délai de quatre mois,
- Si l’acte n’est pas encore passé,
- La vente est enregistrée au droit fixe de 25 €,
- L’avenant de dissolution est enregistré au droit de 10 €.
Si le compromis est déjà enregistré, les droits sont restitués aux conditions suivantes :
- L’acte de vente n’est pas encore passé,
- L’avenant de dissolution intervient dans l’année du compromis,
- L’avenant enregistré au droit de 10 € est joint à la demande de restitution,
- Les droits sont restitués sous déduction du droit fixe de 25 €.
La dissolution amiable de la vente d’un bien situé en Wallonie
En Wallonie aussi existe un régime permettant la dissolution amiable sans perception fiscale excessive (art. 159bis CDE).
Lorsque les parties conviennent de dissoudre la convention de vente non encore enregistrée, celle-ci est soumise au droit de 10 €, aux conditions suivantes :
- L’acte authentique n’est pas encore passé,
- La dissolution intervient dans l’année de la vente,
- L’avenant de dissolution est conclu avant l’enregistrement de la vente,
- L’avenant de dissolution est enregistré au plus tard avec la vente, au droit de 10 €.
Lorsque la vente a déjà été enregistrée au droit proportionnel, le droit est restitué sous déduction du droit de 10 €, aux conditions suivantes :
- L’acte authentique n’est pas encore passé,
- La dissolution intervient dans l’année de la vente,
- L’avenant de dissolution est enregistré au taux de 10 € au plus tard en même temps que la demande de restitution..
Lorsque les parties constatent l’application d’une condition résolutoire expresse, la convention de vente non encore enregistrée est soumise au droit de 10 € aux conditions suivantes :
- L’avenant est enregistré en même temps que la convention de vente (compromis ou acte authentique),
- La résolution intervient dans l’année de la vente,
- L’avenant constatant la résolution (sous seing privé ou authentique) est également enregistré au doit de 10 €.
Lorsque les parties constatent l’application d’une condition résolutoire expresse à une convention de vente déjà enregistrée, les droits sont restitués sous déduction du droit de 10 € aux conditions suivantes :
- L’avenant constatant la résolution est enregistrée au plus tard au moment de la demande de restitution,
- La résolution intervient dans l’année de la vente.
- L’avenant constatant la résolution (authentique si la vente a été authentifiée) est également enregistré au droit de 10 €.
Conclusion
Il est regrettable que Bruxelles n’ait pas adopté une pareille réglementation.
Tout le monde en convient ; seules des considérations financières expliquent cette passivité.
La situation est malsaine à Bruxelles.
Soit les parties doivent payer des droits sur une vente qui ne se réalise finalement pas, soit elles doivent simuler une résolution pour faute afin d’éviter les droits ou d’en obtenir restitution.
Une solution (si l’on peut dire) est d’insérer une condition suspensive, fut-elle fictive.
En effet, tant que la vente est pendente conditione, elle est résiliable sans être soumise aux droits d’enregistrement (art. 16 CDE).
C’est la raison pour laquelle les notaires insistent souvent pour que les parties insèrent une condition suspensive que les parties ne demandent pas.
Il faut en effet toujours prévoir qu’une vente, ou un acheteur voire un vendeur, puisse connaître des problèmes et défaillir.
Il est alors plus commode de se quitter sans formalité et de remettre le bien sur le marché, en espérant en retirer le même prix.
C’est évidemment plus simple, plus économique et plus apaisant que de subir un procès pour éviter un problème d’enregistrement.
Bonjour M. Carnoy
Je suis étudiant Solvay en fiscalité. Je vous ai envoyé un email mais je préfère reposer la question ici. Dans l’article ci-dessous (qui m’intéresse beaucoup), vous n’avez pas fait allusion à la vente d’immeuble soumise à la TVA. Ma question est de savoir si, dans le cas où un compromis de vente soumise à la TVA est résolu avant l’exigibilité de l’impôt, on devrait aussi devrait aussi se soucier d’introduire l’action en résolution dans l’année . Si oui, sur base de quelle disposition lorsque l’on sait que l’article 209, 3° CDE ne s’applique que pour les droits d’enregistrement (et non la TVA)? Merci encore pour votre article.
Voyez ma brève du 15 avril 2013.
Bonjour M. Carnoy,
Nous avons signé un compromis pour un appartement sous régime TVA. Mais cette vente n’est pas faite sous la loi Breyne car le vendeur préférait terminer les travaux avant de finaliser la vente. Nous avons donc signé un compromis, sans avancer la moindre sous.
A l’heure actuelle, cela fait 5 mois que nous bataillons pour faire avancer les quelques travaux restants, travaux mentionnés dans le compromis. Mais le vendeur ne nous répond pas, ne répond pas à son notaire, ni même à l’agent immobilier. Il nous est même impossible de fixer une date pour signer l’acte de vente vu qu’il ne donne aucun signe de vie. Et le chantier n’avance pas non plus.
Est-ce, dès lors, possible d’annuler une vente en sachant que le bien se trouve à Bruxelles ?
Bien à vous.
Vous pouvez demander la résolution de la vente en neuf, pour inexécution de l’obligation de délivrance et poursuivre le paiement de vos dommages.
Bonne chance !