Skip to content

Gilles Carnoy logo Carnet de route en Droit Immobilier

Carnoy & Braeckeveldt, avocats de l’immobilier à Bruxelles

Vers un encadrement des loyers à Bruxelles ?

Les négociations pour la formation du gouvernement fédéral passent par un accord reconfigurant les équilibres institutionnels. Et il n’est pas de jour sans que l’on apprenne que telle compétence serait régionalisée, et que tel budget serait transféré.

C’est ainsi que la régionalisation complète des baux « à loyer » (formule redondante mais usitée) a été évoqué, et manifestement cette question fait l’objet d’un large consensus.

Mais le logement est déjà régionalisé, me direz-vous. Oui et non. Le droit au logement est garanti par la Constitution (art. 23). L’article 39 de la Constitution et l’article 6, § 1er, IV de la loi spéciale du 8 août 1980 donnent compétence aux Régions pour régler « le logement et la police des habitations qui constituent un danger pour la propreté et la salubrité publique ». C’est une politique de pleine autonomie.

Toutefois, les relations entre bailleurs et locataires, qui découlent du Code civil restent de compétence résiduelle fédérale. Le Conseil d’État l’a affirmé dans son avis solidement motivé sur l‘avant projet de la loi qui allait devenir la loi du 13 avril 1997 (Doc. Parl., ses.o., 1996-1997, avis du Conseil d’Etat du 28 septembre 1996, n° 717/1, p. 24-25).

En d’autres termes, la matière du bail est constitutionnelle (droit fondamental au logement), fédérale pour les relations contractuelles et régionale pour le reste.

Ce qui sera donc régionalisé, c’est le domaine de la relation contractuelle bailleur-locataire. Ainsi, à terme, le propriétaire d’une villa à Middelkerke et d’une maison de rapport à Bruxelles appliquera différentes législations dans ses rapports avec ses locataires.

Cette probable régionalisation risque d’avoir d’autres conséquences. Il faut ici se rappeler de l’accord de Gouvernement 2009-2014 de la Région de Bruxelles-Capitale. Un chapitre de cette déclaration anticipe sur la régionalisation totale des baux à loyer.

Citons le texte : « Encadrer les loyers : des grilles de référence de loyers par quartier seront établies après consultation des représentants des locataires, propriétaires et des partenaires sociaux. Pour ce faire, il sera tenu compte des expériences-pilote menées au niveau fédéral. Dès à présent et dans la perspective de la régionalisation  de la compétence sur la réglementation des loyers (on y arrive), le Gouvernement préparera le cadre législatif et réglementaire permettant de valider ces grilles. Ces loyers de référence tiendront notamment et progressivement compte de la qualité énergétique des biens proposés.

Le logement est un droit constitutionnel et un besoin fondamental à ce point prégnantqu’il ne peut être laissé à la seule détermination du marché. Dans cet esprit, le Gouvernement sera attentif aux loyers démesurés qui sont demandés par certains propriétaires. Seront étudiés, en fonction des disponibilités budgétaires, des incitants notamment fiscaux favorisant les propriétaires qui coopèrent aux objectifs sociaux et environnementaux du Gouvernement. »

Autrement dit, le Gouvernement régional bruxellois a prévu d’encadrer les loyers, forcément trop élevés, dès régionalisation totale de cette matière.

S’agissait-il d’un effet d’annonce politiquement correct ou d’une ferme résolution ?

C’est peut-être bien sérieux, car la déclaration contient également un projet d’allocation destinée à aider les locataires à accéder à un logement décent.

Il est question de l’instauration d’une nouvelle allocation-loyer qui sera conditionnée à l’état des finances régionales (voilà qui n’est pas rassurant) et, justement, à la mise en place de grilles de référence de loyers qui seront fonction de fourchettes de valeurs.

Ce genre de projet illustre de manière navrante les effets néfastes de la régionalisation. En effet, un investisseur immobilier ne donnera évidemment pas la préférence à Bruxelles, où ses loyers seront « encadrés », et délaissera Bruxelles alors que la politique régionale est, justement, d’améliorer l’offre de logements à Bruxelles.

Les pouvoirs publics devront se substituer au privé. Et Bruxelles n’en a pas les moyens.

Le 14 septembre 2010

Commentaires

Un commentaire Poster un commentaire
  1. Le gouvernement bruxellois a finalement décidé de ne pas encadrer les loyers comme elle l’avait pourtant promis. La raison? Cette mesure est tout simplement impayable.

    L’idée de départ était d’établir une grille de référence des loyers par quartier, puis d’octroyer un incitant fiscal aux propriétaires acceptant de pratiquer des prix abordables.

    Selon les calculs de nos élus, une simple réduction de 10% du précompte immobilier pour les propriétaires qui demandent un loyer inférieur de minimum 10% au loyer indicatif, coûterait 15 millions d’euros (12 millions aux communes et 3 millions à la Région). Les coûts grimperaient même jusqu’à 60 millions d’euros lorsqu’on va plus loin dans la simulation (source IPI news citant la DH).

    juin 13, 2013

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Déplacement de servitude

L’article 3.124 du livre 3 du Code civil traite de la « condition du fonds servant » de la servitude du fait de l’homme. Le titulaire du fonds servant ne peut rien faire qui diminue l’exercice de la servitude ou le rende moins commode. Il ne peut changer l’état des lieux, ni déplacer l’exercice de la servitude, […]

Lire plus arrow_forward

L’article 3.124 du livre 3 du Code civil traite de la « condition du fonds servant » de la servitude du fait de l’homme.

Le titulaire du fonds servant ne peut rien faire qui diminue l’exercice de la servitude ou le rende moins commode.

Il ne peut changer l’état des lieux, ni déplacer l’exercice de la servitude, sauf s’il y a un intérêt objectif.

En cas de déplacement, il doit, à ses frais, offrir au propriétaire du fonds dominant un endroit sur le fonds servant aussi commode pour l’exercice de ses droits.

Cela traduit une conception dynamique de la propriété immobilière, que le droit doit permettre d’adapter et de faire évoluer en fonction des circonstances économiques, fonctionnelles et surtout urbanistiques.

Certes, ce dispositif existait déjà dans l’article 701 de l’ancien Code civil qui posait alors comme condition que l’assignation primitive soit devenue plus onéreuse au fonds servant.

Le texte actuel est plus large en visant l’intérêt objectif.

La notion d’intérêt objectif est laissée à l’appréciation du magistrat, au regard des circonstances concrètes de la cause.

Les travaux parlementaires nous enseignent encore ceci ceci (DOC 55 0173/001 p. 228) :

(…) en réponse au Conseil d’État, on observera qu’il s’agit de la généralisation des termes actuels visant une assignation plus onéreuse ou des réparations avantageuses qui sont également sujets à interprétation dès lors que l’on utilise des adjectifs comme “onéreux” ou “avantageux”.

Avec cette généralisation, les possibilités de déplacement sont plus favorables au fonds servant. C’est pourquoi on maintient, dans la première phrase, l’exigence de ne rien faire qui rende “moins commode” l’exercice de la servitude plutôt que de proposer comme dans l’Avant-Projet Capitant, “plus incommode”, afin de garder une solution équilibrée.

La faculté de proposer un autre endroit est maintenue et même élargie, on l’a dit. Il se peut en effet que le fonds servant reçoive une autre destination ou configuration. Et il faut permettre un tel changement en imposant au titulaire de la servitude, sous certaines conditions, d’accepter son déplacement.

Pour que le déplacement puisse être obtenu, il faut, dans le projet, que le fonds servant démontre y avoir un intérêt objectif.

La question est, dans les textes actuels (ancien Code civil), controversée de savoir où doit ou peut se trouver le nouvel endroit proposé ; selon les uns, le nouvel endroit proposé ne peut se situer que sur le fonds servant (voy. V. DEFRAITEUR, Les servitudes, Kluwer, Mechelen, 2015., p. 124 ; V. SAGAERT, Beginselen van belgisch privaatrecht, V, Goedenrecht, Mechelen, 2014, p. 490, n° 605) tandis que, selon d’autres, ledit endroit peut se trouver sur un autre fonds appartenant au propriétaire du fonds servant (voy. J.P. Tournai, 5 juin 2007, Rev. dr. rur., 2008, p. 52), voire sur le fonds d’un tiers ayant marqué accord (voy. J.P. Hal, 25  janvier  2006, R.G.D.C., 2009/6, p. 295, note A. SALVE; R.P.D.B., t. XII, v° Servitudes, p. 99, n° 521. Comp. J. HANSENNE, Les biens. Précis, Fac. de droit de Liège, 1996, t. II, p. 1213).

Le projet  (devenu le livre 3 actuel) préciseque l’endroit proposé doit se trouver sur le fonds servant, ce qui n’empêche évidemment, vu le caractère généralement supplétif de ce Livre, aucunement l’accord du propriétaire d’un autre fonds de prendre à sa charge la servitude.

Les frais du déplacement sont à charge du propriétaire du bien assujetti, en d’autres mots, du fonds servant. En réponse à l’observation du Conseil d’État, les rédacteurs n’ont pas prévu une procédure spécifique, d’une part, pour inciter l’accord amiable entre les parties et, d’autre part, parce qu’il n’y a pas de raisons pour prévoir une procédure spécifique.

Quant à l’information, elle sera assurée par la publicité hypothécaire.

close