On sait que le trouble de voisinage est généré par un fait, une omission ou un comportement, qui est imputable, sans qu’il s’agisse d’une faute.
C’est pourquoi on ne parle pas de réparation, concept propre à la responsabilité, mais de compensation, à savoir rétablir l’équilibre des jouissances des fonds respectifs.
On trouve de ce principe un exemple éloquent dans l’arrêt du 24 juin 2019 de la Cour de cassation (rôle n° C.18.0609.F, www.juridat.be).
La présence d’un hêtre planté sur la propriété des défendeurs explique le tassement et le regonflement du sol sous la partie arrière du bâtiment du voisin, dit l’expert.
Le phénomène de de tassement et de regonflement du sol s’est arrêté à la suite de l’étêtage du hêtre.
L’expert conclut ceci :
« Sur la base de la théorie des troubles de voisinage, on pourrait reprocher aux défendeurs une omission, à savoir ne pas avoir pris les dispositions nécessaires pour étêter ou abattre l’arbre plus tôt ».
Mais « le phénomène mis en exergue était imprévisible pour toute personne normalement prudente, raisonnable et ne disposant pas des connaissances d’un ingénieur spécialiste en stabilité et étude des sols ».
Comme les défendeurs n’en furent avertis « au plus tôt qu’à la mi-juillet 2010 sans qu’aucune faute puisse leur être reprochée pour la période antérieure, ce phénomène a été pour cette période irrésistible dans leur chef » en sorte qu’ils « ont été confrontés à un cas fortuit ou cas de force majeure » et qu’ « il s’ensuit que le trouble de voisinage ne leur est pas imputable pour cette période ».
Bref, le trouble s’étant produit sans faute des défendeurs, la Cour d’appel de Liège déboute les demandeurs.
L’arrêt est cassé par la Cour de cassation : les juges d’appel ont confondu l’imputabilité et la faute.
Le fait générateur (omission) ne doit pas être fautif pour être imputable. Bref, on peut commettre un trouble de voisinage de toute bonne foi.
La matière ne relève pas de la responsabilité mais du statut de voisinage des immeubles qui requiert, propriété contre propriété, l’équilibre des charges de voisinage.
Cela n’a pas empêché la Cour de cassation de traiter la matière des troubles de voisinage comme une responsabilité, objective, en matière de prescription (Cass., 2 janvier 2011, rôle n° C.09.0306.F, www.juridat.be).
Notons enfin que si la théorie des troubles de voisinage n’est pas fondée sur une faute, cette théorie peut aussi s’appliquer lorsque le fait rompant l’équilibre des jouissance est fautif 1(Cass., 11 février 2016, rôle n° C.15.0031.N).