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Gilles Carnoy logo Carnet de route en Droit Immobilier

Carnoy & Braeckeveldt, avocats de l’immobilier à Bruxelles

Le contrat de valorisation immobilière en vue de la vente et le risque de mutation apparente

Quelle est la situation visée ?

Un propriétaire n’a pas les moyens ni les compétences  de mettre son bien en valeur en vue de le vendre dans de bonnes conditions.

Il faut, par exemple, diviser, précadastrer et mettre le bien sous statut de copropriété.

Et, pour la division et/ou pour les travaux, poursuivre la délivrance d’un permis d’urbanisme.

Ou ajouter un ascenseur, exécuter des travaux pour atteindre un standard correct de PEB ou d’habitabilité.

Ou encore procéder à une rehausse.

Bref, mettre en œuvre un complexe programme d’intervention dans l’immeuble.

Un opérateur professionnel (souvent un architecte) propose alors au propriétaire de s’occuper des travaux.

Ensuite le propriétaire vendra le bien avec l’aide de l’opérateur.

La partie du prix excédant un montant déterminé reviendra à l’opérateur qui s’engage à ce que le propriétaire perçoive au moins tel prix.

Cette garantie d’un prix minimum flatté par les travaux, incite le propriétaire à accepter cette collaboration.

Il s’agit en droit d’une véritable société en participation (on dit aujourd’hui une société simple interne) pour la mise en valeur et la réalisation d’un bien ou d’un domaine.

Le propriétaire garde son droit mais il s’associe à un homme de l’art pour de mettre le bien en valeur.

Il fait, au profit de l’association, Ie sacrifice de son droit de libre disposition du bien et l’opérateur donne au propriétaire la garantie qu’il retirera de son bien un minimum fixé.

Souvent, au cours de l’association, des avances sont consenties au propriétaire en attendant Ie résultat des réalisations. Ou encore, l’opérateur préfinance les travaux.

Après la vente, un compte est dressé. Les avances reçues par Ie propriétaire s’imputent sur les sommes lui revenant.

Cette opération constitue-t-elle une mutation apparente ?

L’article 188 du Code des droits d’enregistrement dispose :

« Est considérée comme ayant acheté pour son propre compte et ne peut exciper de la qualité de mandataire ou de commissionnaire du vendeur, toute personne qui négocie la vente d’un immeuble, lorsqu’il est établi que, dès avant la réalisation de cette vente, elle a payé ou s’est engagée à payer au propriétaire le prix ou toute somme à provenir de la vente.

 L’intermédiaire est réputé avoir acquis l’immeuble à la date du paiement ou de l’engagement de payer. »

Autrement dit, il existe une présomption fiscale irréfragable de ce que si une personne négocie une vente en payant déjà tout ou partie du prix ou s’engage déjà sur le prix, il s’agit dès ce moment d’une vente taxable.

Et la vente (non apparente ni présumée) qui suivra sera aussi taxée.

Si l’opérateur négocie la vente et s’engage sur un prix minimum, les conditions de la mutation apparente apparaissent.

Il faut « négocier » comme « intermédiaire ».

Si le texte du VCF utilise aussi le terme “tussenpersoon”, il requiert en revanche que ce dernier “bewerkstelligt” la vente, ce qui est plus large que « négocier » (bewerstelligen : réaliser, obtenir, atteindre, …).

Retenons que si l’opérateur ne se mêle absolument pas de la vente, les conditions de la présomption font défaut.

Garantir un prix minimum, est-ce s’engager sur le prix ?

Monsieur Culot ne le pense pas (A. Culot, « Manuel des droits d’enregistrement », Larcier, Bruxelles, 2023, 10ième édition, p. 383 ; voy. aussi A. Culot [coord.], « Droits d’enregistrement et TVA applicables aux ventes d’immeubles », 2ième éd., tiré à part du Rép. Not., Larcier, Bruxelles, 2014, p. 217).

On pourrait douter de cette opinion car, à première vue, garantir un prix c’est s’engager sur le prix.

Mais en réalité, les termes de la loi  sont «  s’est engagée à payer au propriétaire le prix ou toute somme à provenir de la vente… »

Or se borner à garantir un prix minimum, ce n’est pas s’engager à payer le prix au propriétaire, c’est payer éventuellement un montant complémentaire au prix.

C’est évidemment nuancé mais il faut être très rigoureux en matière de mutation apparente car c’est une présomption juris et de jure, et dès lors d’interprétation stricte.

Dans une ancienne décision, l’administration a vu une mutation apparente lorsqu’un membre d’une société interne créée en vue de rentabiliser un domaine, paie des avances sur le prix à son associé propriétaire (Déc. 16 décembre 1940, n° 56.027, cité par Werdefroy, « Droits d’enregistrement 2012-2013 », Kluwer, Waterloo, 2013, vol. 1, p. 314).

Cette décision est approuvée par Monsieur Donnay (M. Donnay, « Droits d’enregistrement, d’hypothèque et de greffe », Rép. Not., mis à jour par A. Cuvelier, t. XV, livre X, n° 709).

Par contre Monsieur Genin voit (prudemment) les choses autrement.

« Nous pensons que (…) ni la promesse de garantie souscrite par le spécialiste ni les avances qu’il consent ne font tomber l’opération sous l’application de l’article 188 du Code, car il s’agit ici d’engagements pris entre associés et non exclusivement des rapports de mandant à mandataire. Ce raisonnement n’est toutefois pas sans réplique. L’administration peut prétendre, en effet, que ce n’est qu’en vertu d’un mandat donné par le propriétaire au gérant que celui-ci est habilité à réaliser le bien (…) et ce, nonobstant la circonstance que c’est dans l’intérêt commun de tous les associés et pour les besoins de l’association que ce mandat est créé et utilisé. »

Ici aussi, ce n’est pas une opinion erronée : l’associé qui fait sa part du travail dans l’association n’agit pas comme intermédiaire ni comme tussenpersoon.

Il agit pour lui ou pour la société commune.

Cet aspect est d’autant plus important que, pour le financement de telles opérations, les banques exigent souvent que l’opérateur produise une convention de société simple avec le propriétaire.

En effet, l’opération peut adopter la forme d’un contrat d’entreprise, mais alors des questions de TVA se posent.

Ou d’un droit de superficie avec règlement de l’accession en cas de vente, mais l’opérateur ne souhaite pas apparaître comme vendeur tenu à garantie.

C’est la raison pour laquelle les parties s’inscrivent plutôt dans un rapport de société simple interne.

La société simple étant interne (art. 4 :14 CSA), l’opérateur  n’intervient pas à la vente et ne souscrit aucune obligation de ce chef.

Ce qu’il faut retenir c’est surtout que :

  • L’opérateur ne doit pas s’entremettre dans la vente ; il doit laisser le propriétaire gérer cette étape.
  • L’opérateur ne doit pas payer ni garantir le prix qui devra être payé par l’acheteur mais il peut se borner à garantir un montant minimum.
  • Et, en dehors de ce qui précède, une grande prudence est de mise.

La prudence est mère de sûreté, dit le proverbe.

Pour que je comprenne bien, ma patronne de stage me disait plutôt « la prudence est la mère des petits chats ».  Je n’ai pas oublié.

La photo : La cité-jardin du Homborch (architecte Fernand Bodson). Crée en 1928  sur le plateau du Homborchveld à Uccle, achevée en 1930 et rénovée en 2010, elle regroupe 120 logements répartis en 27 groupes. Comme la cité-jardin du Logis, à Boitsfort, elle est remarquablement homogène et préservée, de style cottage et plantée de cerisiers du Japon (ils sont en fleur en avril). Il s’agissait à l’époque de dégorger les taudis de la ville, de réponde au déficit de logement après la guerre et de répondre aux aspirations d’une classe populaire qui avait payé un lourd tribu dans les tranchés. On a dit aussi que ces quartiers excentrés permettait aussi de tenir cette catégorie de la population à l’écart, justement, de beau quartiers de la ville. Autrefois réservée aux ouvriers et petits employés, ces cités constituent aujourd’hui des logements de qualités dans un environnement de charme, aéré et naturel, avec des espaces d’intimité et des espaces collectifs qui leur confère un côté village. Appartenant à des SISP, elles sont préservées de la gentrification, sauf à Watermael-Boitsfort où 20 % du parc est privé, ce qui introduit une mixité bienvenue.

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