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Carnoy & Braeckeveldt, avocats de l’immobilier à Bruxelles

Quelle demande interrompt le bref délai en matière de vice caché

Le demandeur en cassation avait acheté un appartement à Ostende en 2004 et fit rapidement le constat de problèmes d’humidité.

Il fit des réparation en 2005 et en 2007. Manifestement en vain, car de nouveaux problèmes apparurent en 2010 et en 2015.

Las, il introduisit la procédure début 2011 sur le fondement juridique de la responsabilité décennale.

Par des conclusions déposées en 2019, il appuya sa demande à titre subsidiaire sur la garantie des vices cachés.

La demande basée sur la responsabilité décennale fut rejetée car le bien était achevé lors de la vente, de sorte que la loi Breyne ne trouvait pas application.

C’est en appel, par des conclusions de 2021, que le demandeur invoqua la garantie du vendeur des vices cachés.

La Cour d’appel de Gand a décidé que cette demande « manifest laattijdig is. »

Le demandeur forma alors un pourvoi en cassation sur base de la violation de l’article 702 du Code judiciaire et des articles 1641 et suivants de l’ancien Code civil.

On sait que l’action sanctionnant la garantie des vices cachés doit être formée à bref délai (art. 1648 de l’ancien Code civil).

On enseigne traditionnellement que l’action judiciaire doit être formée rapidement (« … moet de vordering … worden ingesteld binnen een korte tijd »).

Des pourparlers, une expertise ou une sommation ne suffisent pas.

En l’espèce, le demandeur avait introduit l’action en réparation des défauts mais sans viser immédiatement l’article 1641 de l’ancien Code civil, en matière de vice caché.

La Cour de cassation pose le principe suivant, concernant l’article 1648 précité :

« Cette disposition exige seulement que l’acheteur introduise une action à bref délai par laquelle il se base sur des vices cachés dont le bien est selon lui l’objet. Elle n’exige pas que l’acheteur qualifie à bref délai sa demande en droit comme étant une demande de garantie basée sur les articles 1641 et suivants de l’ancien Code civil ».  

Dans la langue de l’arrêt :

Deze bepaling vereist enkel dat de koper binnen een korte tijd een vordering instelt waarbij hij zich baseert op verborgen gebreken waarmee het goed volgens hem is behept. Zij vereist niet dat de koper binnen een korte tijd zijn vordering in rechte kwalificeert als een vordering tot vrijwaring gebaseerd op de artikelen 1641 en volgende Oud Burgerlijk Wetboek.”

L’arrêt de la Cour d’appel de Gand fut donc cassé en ce que les juges d’appel ont considéré, pour le bref délai, que l’action avait été formée pour la première fois lorsque la qualification de vice caché fut invoquée.

Bref, la demande doit être formée en justice à bref délai en invoquant les défauts mais sans devoir nécessairement invoquer leur qualification juridique.

La question de la nature de l’action n’avait pas encore été traitée en jurisprudence. Elle l’est aujourd’hui et de manière correcte.

En effet, la solution de la cour de cassation est logique pour deux raisons.

D’abord le demandeur n’est pas obligé de qualifier juridiquement sa demande (art. 702 du Code judiciaire).

Et le juge n’est pas saisi d’une qualification juridique, il est saisi des faits qui font l’objet de l’action. Le juge doit même d’office rechercher et donner la juste qualification à la demande.

Les moyens de la demande sont en réalité les données factuelles qui sont le soutien de la demande, pas nécessairement les dispositions légales applicables.

Ensuite, la ratio legis de l’article 1648 précité est traditionnellement d’éviter les risques de déperdition des preuves en ce qui concerne l’antériorité du défaut par rapport à la délivrance du bien (Mons, 17 septembre 2002, J.T., 2009, p. 68).

Toutefois la doctrine enseigne aussi que l’exigence de bref délai s’est imposée moins pour des raisons probatoires que par la volonté d’assurer la sécurité du commerce et d’éviter de laisser le vendeur trop longtemps dans l’expectative (C. Delforge, Y. Ninane et M.-P. Noël, ‘De quelques délais emblématiques du contrat de vente’, in Contrats spéciaux, coll. Recyclage en droit, Louvain-la-Neuve, Anthemis, 2013, pp. 92-96).

Dans les deux cas, force est de constater qu’une citation qui ne qualifie pas juridiquement la demande suffit à rencontrer les exigences du bref délai.

La Cour de cassation a renvoyé la cause devant la Cour d’appel d’Anvers.

La question du bref délai y sera débattue non pas par rapport à 2021 mais 2011. Fort bien, mais tout de même pour des défauts qui sont apparus en 2004 déjà.

Quelle est en général la durée du bref délai ?

Ce délai est abandonnée aux lumières et à la conscience du tribunal (Mons, 27 septembre 1983, Pas., 1984, II, p. 9) et dépend intimement des circonstances de chaque cause.

Plus de trois années est sans doute excessif (Bruxelles, 18 janvier 1985, rôle n° 180.410, www.juportal.be; Liège, 8 mai 1992, J.L.M.B., 1993, p. 85).

Dans leur étude au Journal des tribunaux, Messieurs Kohl et Onclin constatent « néanmoins, des exemples tirés de la jurisprudence, il semble que la durée du bref délai dépasse rarement, en règle générale, un an. » (B. Kohl et Fr. Onclin, « L’exigence du ‘bref délai’ dans l’action en garantie contre les vices cachés », J.T., 2013, p. 563.  Dans le même sens Bruxelles, 11 octobre 2001, J.T., 2002, p. 132 et Civ., Anvers, 3 janvier 2014, T.B.O., 2014, Liv. 1, p. 36. Voyez également S. Damas, « Le défaut de la chose vendue selon le droit commun de la vente (articles 1602 à 1649du Code civil) » in Les défauts de la chose, Anthemis, Limal, 2015, p. 25).

De même, Monsieur Goffaux recense des décisions retenant un délai oscillant entre six et dix mois (B. Goffaux, « Le ‘bref délai’ en matière de garantie des vices cachés : le temps de quelques réflexions », For. Ass., 2017/5, p. 105-106).

On l’aura compris, la victoire de l’acheteur devant la Cour de cassation ne le tire pas d’affaire. C’est une bataille mais c’est la guerre qu’il faut gagner.

La photo : le MIM (Musée des instruments de musique) à Bruxelles logé dans les anciens bâtiments Old England, de style Art Nouveau de Bruxelles (Paul Saintenoy, 1899). Le bâtiment est bâti en fonte, fer forgé et verre, les matériaux de la révolution industrielle qui faisaient alors la fortune de la Belgique. L’art nouveau est présent par les frises de faïences d’inspiration végétale, typique de ce style.

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