En 1841 la Cour de cassation consacrait l’existence « de chemins d’exploitation qui doivent leur existence primitive au consentement réciproque des propriétaires voisins qui ont préféré mettre en commun et sacrifier la jouissance d’une portion de leurs terrains que de se trouver gênés dans l’exploitation de leurs terres » (Cass., 25 février 1841, Pas., 1841, I, p. 127).
Le chemin d’exploitation est une « voie privée affectée exclusivement à l’exploitation des fonds qui la bordent, sont traversés par elle ou auxquels elle aboutit » (B. Vanbrabant, « Les chemins d’exploitations, ces méconnus », Act. dr., 1999, p. 674).
Le chemin d’exploitation peut se définir comme « un chemin qui débouche sur la voie publique mais commence sur un héritage privé et est situé en tout ou en partie sur la limite de plusieurs fonds » (J.P. Wervik, 5 mai 1998, R.W., 1999-2000, p. 619 ; Civ., Turnhout, 24 mai 2004, R.W., 2005-2006, p. 1385).
Monsieur Vanbrabant considère sur ce point qu’un chemin d’exploitation peut parfaitement relier deux voies publiques (op. cit., nos 12).
Un chemin d’exploitation est donc une voie « privée » qui commence sur un héritage « privé ».
Si le chemin est une voirie publique, sur assiette privée, il ne pourrait s’agir d’un chemin d’exploitation car un tel chemin reste essentiellement une voie privée.
Il ne peut donc répondre à la notion de « voirie communale » au sens de l’article 2 du décret wallon du 6 février 2014. Il ne sera ni entretenu ni régi par la Commune (art. 63 et 59 du décret).
De même, n’étant par hypothèse pas « occupé à des fins de circulation publique », il ne pourrait pas davantage s’agir d’une « servitude vicinale dite anormale » (sur cette notion, Cass., 20 mai 1983, Pas., 1983, I, p. 1057 ; Cass., 29 novembre 1996, A.J.T., 1997-1998, p. 9, note S. Snaet ; R.W., 1997-1998, p. 225 ; J.L.M.B., 2000, p. 922 ; Cass., 13 mai 2011, T.B.O., 2011, p. 219).
Un chemin d’exploitation peut être constitué soit sous la forme d’une servitude, soit sous la forme d’une copropriété (Civ., Turnhout, 24 mai 2004, R.W., 2005-2006, p. 1385 ; J.P. Ath, 19 mars 2003, Rev. dr. rur., 2003, p. 149 ; Civ., Turnhout, 31 décembre 2001, R.W., 2004-2005, p. 350).
La jurisprudence fait le plus souvent état d’une présomption de copropriété (B. Vanbrabant, op. cit., p. 674 ; L. Coenjaerts, « Les servitudes du fait de l’homme », in Droits réels – Chronique de jurisprudence 1998-2005, J.-Fr. Romain (dir.), coll. Les dossiers du Journal des Tribunaux, , vol. 63, Bruxelles, Larcier, 2007, pp. 234 à 236, n° 204 et les références citées ; P. Lecocq, S. Boufflette, A. Salvé et R. Popa, Manuel de droit des biens, t. II, op. cit., pp. 347-348).
Ces derniers auteurs ajoutent : « Dans cette seconde hypothèse (copropriété), notre droit présente la particularité d’avoir créé, en la matière, une présomption quasi légale de copropriété selon laquelle la situation des lieux fait présumer qu’il y a eu un arrangement entre les riverains pour mettre en copropriété une languette de leur terrain. Cette présomption sera d’ailleurs bien utile, en pratique, en l’absence de titre et de possession trentenaire » (S. Boufflette, P. Lecocq, R. Popa, et A. Salvé, « Chapitre III – Passage sur le fonds voisin et chemins divers » in Manuel de droit des biens – Tome 2, 1e édition, op. cit., p. 348).
La caractéristique du chemin d’exploitation consiste finalement dans la destination d’ « exploitation » (voy., toutefois, Cass., 8 juin 1989, Pas., 1989, I, p. 1070, qui apprécie avec souplesse la notion d’exploitation rurale), et même, en principe d’exploitation « rurale » (voy. B. Vanbrabant, op. cit., nos 7 à 12), ce qui permet d’en limiter l’utilisation.
Il servira, en zones rurales, « à faciliter l’exploitation, le défruitement ou la desserte des héritages qu’il longe ou traverse » (B. Vanbrabant, « Droits de passage : une mise au point terminologique », note sous J.P. Torhout, 7 septembre 1993, J.J.P., 1999, p. 239 ; voy. également J. Hansenne, Les Biens. – Précis, t. II, op. cit., p. 1126, n° 1117).
Il faut encore relever que le chemin d’exploitation n’est pas destiné à supporter une circulation continue (J.P. Westerlo, 10 février 2003, R.G.D.C., 2004, p. 286 et note).
C’est ce qu’a confirmé la Cour de cassation dans un arrêt du 11 février 2016 (T. Not., 2016, p. 220, note A. Van Den Bossche), cassant un jugement, prononcé le 20 janvier 2015, par le tribunal de première instance néerlandophone de Bruxelles, statuant en degré d’appel, qui avait, à l’instar du premier juge, considéré que le chemin de décharge pouvait être utilisé pour tout ce qui était nécessaire à l’usage de la propriété des défendeurs comme maison d’habitation avec jardin.
La Cour a estimé que, ce faisant, les juges d’appel avaient donné de l’acte du 22 avril 1934 une interprétation inconciliable avec le terme « décharger » (« lossen ») y figurant.
La photo : une superbe villa sur la côte d’azur, vue sur mer, dans le style des années 50. Les connaisseurs évoqueront le Spirou « Le repaire de la murère » (A. Franquin, 1957).
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