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Carnoy & Braeckeveldt, avocats de l’immobilier à Bruxelles

Panneaux photovoltaïques : meubles ou immeubles ? Les conséquences fiscales

Le SDA s’est prononcé à plusieurs reprises sur la question du caractère meuble ou immeuble des panneaux solaires.

Cette question se pose lorsque l’installation est posée par une société sur la toiture d’une copropriété ou d’un immeuble appartenant à des tiers.

Le SDA semble considérer que selon le degré d’autonomie matérielle ou fonctionnelle de l’installation, elle relève de la notion d’immeuble par incorporation.

Cette approche nous paraît inexacte.

Voyons une décision anticipée, n° 2023.0487 du 17 octobre 2023 en matière de remploi de plus-value.

L’article 47 CIR permet de ne pas être taxé immédiatement et en totalité sur une plus-value réalisée lors de la vente d’un actif.

Il est possible d’étaler cette taxation sur plusieurs années, correspondant à la durée des amortissements pratiqués sur les éléments acquis en remploi du prix de vente.

Le bien acquis en remploi doit donc être un immeuble amortissable.

La question est alors la suivante :

Un investissement dans une installation photovoltaïque installée sur un immeuble appartenant à des tiers, peut-il être considérés comme un remploi dans des « immeubles bâtis » au sens de l’article 47, § 4, al. 1er, CIR ?

Les faits sont les suivants.

La société demanderesse prévoit d’investir dans des panneaux solaires, installées chez ses clients.

Les panneaux photovoltaïques sont posés sur le toit des clients au bénéfice d’une renonciation par les clients au droit d’accession.

Notons que la notion de renonciation au droit d’accession n’existe plus depuis le livre 3 du Code civil, seul subsiste le droit de superficie (art. 3.34).

D’ailleurs le SDA le reconnait puisqu’il évoque un droit réel ; ce droit est un droit de superficie.

La société demanderesse exploite ses installations pendant une certaine durée, à l’issue de laquelle la propriété des installations revient au client.

L’installation est amortie sur cette durée et la société souhaite étaler la plus-value qu’elle a réalisée sur cette durée.

La société reste donc propriétaire des installations durant la période du droit de superficie, ce qui lui permet de les exploiter.

Le SDA relève que sont immeubles par incorporation tous les biens « destinés à rester en place de manière durable et habituelle », ce qui est le cas des panneaux photovoltaïques.

C’est même le cas, précise le SDA, si le bien incorporé est susceptible d’être enlevé sans détériorer le bien qu’il complète (Cass., 25 février 2019, J.L.M.B., 2019/38, p. 1792).

Donc, pour le SDA, les panneaux photovoltaïques sont des immeubles par incorporation selon l’article 3.47, alinéa 2, du Code Civil qui dispose :

« Sont immeubles par incorporation, tous ouvrages et plantations qui, s’incorporant aux immeubles par nature, en constituent une composante inhérente. »

Les travaux parlementaires relatifs au livre 3 donnent les panneaux photovoltaïques   comme exemple de composante inhérente (Doc. parl., Chambre, 2019, no 55-0173/001, p. 118).

La Cour d’appel de Liège a aussi reconnu que des panneaux photovoltaïques sont matériellement incorporés et de manière durable (Liège, 11 septembre 2014, R.G.D.C., 2016, p.220).

Mais pour devenir une composante inhérente de l’immeuble, par incorporation, il faut que les propriétaires soient identiques et que l’accession puisse opérer.

Ce n’est par hypothèse pas le cas, puisque les panneaux sont posés sur base d’un droit de superficie et restent donc appartenir à la société qui les exploite (N. Bernard, « Le droit des biens après la réforme de 2020 », 2ième éd., Anthemis, Limal, 2022, p. 238).

Les panneaux en propriété superficiaire ne peuvent dès lors devenir une composante inhérente du bien d’un tiers (N. Bernard, M. Van Molle, P.Y. Erneux, et B. Pirlet, « Nouveau droit des biens : jusqu’où iras-tu, composante inhérente ? », J.T., 2023/28, p. 467, n° 5).

Ils ne peuvent pas davantage en être un accessoire, par exemple par destination, puisque, là aussi, la condition d’unicité de propriétaire doit être respectée, suivant l’art. 3.9 (P. Lecocq et R. Popa, « Dispositions générales », in Le droit des biens réformé, Larcier, UB3, Bruxelles, 2021, p. 42).

Le raisonnement du SDA est donc erroné : étant rendu autonome par le droit de superficie, les panneaux photovoltaïques ne peuvent constituer un immeuble par incorporation.

Mais le SDA arrive tout de même à une solution exacte ; les panneaux solaires sont bien immeubles, mais à un autre titre.

En effet, le nouveau droit des biens a redéfini les immeubles et a consacré la propriété des volumes.

L’article 3.47 dispose que « sont immeubles par leur nature, les fonds de terre et les divers volumes les composant, déterminés en trois dimensions. »

Un immeuble par nature pourra dès lors ne plus avoir d’attache au sol. Ce sera le cas de l’immeuble en volume superficiaire.

Il n’était donc pas nécessaire de convoquer la notion d’immeuble par incorporation pour « immobiliser » les panneaux photovoltaïques ; ce sont déjà des immeubles par nature.

C’est donc à tort que l’avis du SDA avance au point 14 « il en est ainsi indifférent de savoir qui a procédé à l’incorporation (le propriétaire du terrain ou quelqu’un d’autre) et quelle sera la durée de l’incorporation » car il n’est pas question d’incorporation.

Mais le SDA arrive cependant à la bonne conclusion ; les panneaux seront immeubles s’ils forment un volume du fonds de terre (via l’immeuble bâti)

Enfin, le SDA reconnait, à bon droit, que la durée de l’amortissement relatif à ces installations est équivalente à la durée du droit de superficie.

C’est cette durée qui correspondra à la période d’étalement de la taxation de plus-value.

La nature juridique des panneaux est aussi très importante dans la jurisprudence du SDA en matière de TVA.

Intéressons-nous à présent à une décision anticipée n° 2023/0174 du 11 juillet 2023 (Fisc., 2023, n° 1809, p. 14).

Si le SDA reconnait que des panneaux solaires loués sont immeubles, cette location est exemptée de la taxe par l’article 44, § 3, 2°, du Code TVA.

La société qui les place sur le toit de la copropriété ne récupère alors pas la TVA en amont.

Mais en TVA, on ne suit pas les règles du droit civil belge.

La TVA est un impôt européen qui ne dépend pas des qualifications du droit belge et qui déploie les siennes.

Selon l’article 1, § 9, du Code de la TVA, « pour l’application du présent Code, il y a lieu d’entendre 1° par bâtiment ou fraction de bâtiment, toute construction incorporée au sol ».

Cette disposition est inspirée de l’article 12(2) de la Directive 2006/112/CE selon laquelle « aux fins du paragraphe 1, point a), est considéré comme ‘bâtiment’ toute construction incorporée au sol ».

Les notions de « construction » et « immeuble » sont définies dans l’article 13ter du règlement interprétatif 1042/13 34, pour l’application de la Directive 2006/112/CE.

Selon cette disposition, est considéré comme « bien immeuble » : « (…) b) tout immeuble ou toute construction fixé(e) au sol ou dans le sol au-dessus ou au-dessous du niveau de la mer, qui ne peut être aisément démonté(e) ou déplacé(e) ; c) tout élément installé et faisant partie intégrante d’un immeuble ou d’une construction sans lequel l’immeuble ou la construction est incomplet, tel que portes, fenêtres, toitures, escaliers et ascenseurs ; d) tout élément, matériel ou machine, installé à demeure dans un immeuble ou une construction qui ne peut être déplacé sans destruction ou modification de l’immeuble ou de la construction ».

Si les panneaux sont incorporés, ils forment sont une composante du toit de l’immeuble, dit le SDA, et participent à la fonction de la toiture.

En ce cas, il s’agit d’une location d’immeuble exemptée.

Si les panneaux sont simplement posés sans fixation qui en fait une composante de l’immeuble, leur location est soumises à la TVA, selon l’article 18, § 1, alinéa 2, 4°, du Code TVA.

Notons qu’en urbanisme, on traite pareillement l’incorporation matérielle (les constructions) et fonctionnelle (les installations fixes).

Ces deux travaux requièrent la délivrance préalable d’un permis d’urbanisme (art. 98, § 1, 1°, CoBAT).

La photo : l’immeuble d’Ieteren rue du Mail à Ixelles de style moderniste, tendance fonctionnaliste (architecte René Stapels, 1962 et 1967). Ossature mixte (béton-acier) et poutres préfléchies selon le système Préflex avec plancher en béton armé. Les façades sont constituées de murs-rideaux formés d’une série de montants verticaux en aluminium. Les allèges et linteaux sont formés par un panneau extérieur en verre émaillé. La partie rue Américaine de style moderniste est due à l’architecte Fernand Baudoux (1956). Il paraît que Ixelles voulait classer le monument, ce qui est coûteux en subside ; on verra ce que fera la nouvelle majorité. Notez que la rue tient son nom d’un jeu de balle proche du croquet, que l’on jouait avec un maillet (d’où mail). On jouait aussi la balle pelote, ce qui explique les places rectagulaires comme la place du Chatelain et celle de Saint Job.

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