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Gilles Carnoy logo Carnet de route en Droit Immobilier

Carnoy & Braeckeveldt, avocats de l’immobilier à Bruxelles

Commentaires sur le nouveau droit de préemption du locataire à Bruxelles 

L’ordonnance du 28 septembre 2023 modifie le Code bruxellois du Logement en insérant les articles 247/1 à 247/4 instaurant un droit de préemption au profit du locataire.

L’ordonnance a été publiée le 27 décembre 2023 et est entrée en vigueur le 6 janvier 2024.

Elle n’intéresse pas que les sociétés immobilières et les propriétaires privés ; l’ordonnance contient des obligations pour les notaires et les agents immobiliers.

Les travaux parlementaires (doc. A-724/2 – 2022/2023) disent clairement « le notaire et l’agent immobilier chargés de la vente doivent s’assurer du respect de la notification au locataire de l’intention de vendre et des informations relatives à celle-ci. Le cas échéant, ils procèderont eux-mêmes à l’information du locataire. »

Le principe

L’article 247/1 énonce le principe : en cas de mise en vente d’un logement qui fait l’objet d’un bail de résidence principale de droit commun (neuf années d’emblée ou par poursuite d’un bail de courte durée), le preneur dispose d’un droit de préférence que l’on appellera « de préemption » vu son origine légale.

Le bail visé est un bail d’habitation de résidence principale ; rien n’est dit sur le bail mixte indivisible (résidence principale et professionnel). À notre avis, il faudra l’étendre si la partie professionnelle est mentionnée dans le bail qualifié de résidence principale.

Les titulaires

  • Le preneur,
  • Son conjoint ou cohabitant légal ou de fait (sans condition de durée de la cohabitation de fait) domicilié dans les lieux ;
  • Leurs descendants ou enfants adoptifs domiciliés dans les lieux ;
  • Le cessionnaire du bail qui répond aux mêmes conditions.

L’ordonnance prévoit que le droit s’éteint par le décès du preneur ; ainsi les enfants domiciliés avec le preneur sont titulaires du droit de préemption du vivant de celui-ci mais ils ne le sont plus comme héritiers. En cas de bail avec un parent âgé, ils devront donc veiller à se porter colocataires.

Selon les travaux parlementaires, en cas de « sous-location spécifique », le sous-locataire bénéficie également du droit de préférence à la suite d’une remarque du Conseil consultatif du Logement concernant les baux AIS (A-724/2 – 2022/2023, p. 32). Reste à savoir en ce cas à qui le propriétaire bailleur ou mandant doit notifier son intention de vendre : au sous locataire ou à l’AIS ?

La nature du droit

Le droit de préemption est légal ; il ne doit donc pas être transcrit pour être opposable aux tiers comme le veut l’article 3.30, § 1, alinéa 5, du nouveau Code civil pour les droits de préférence de nature conventionnelle. Cela signifie que le tiers acquéreur de bonne foi au moment de la vente ne pourra pas faire valoir la transcription de son titre pour faire échec à une action en subrogation.

D’ailleurs le tiers ne peut acquérir au mépris, volontaire ou non du droit de préemption, car l’article 247/2, § 8, porte que toute vente soumise au droit de préemption est irréfragablement réputée conclue sous la condition suspensive du non-exercice de ce droit.

Cela signifie que l’acquéreur, son notaire et son agent immobilier devront s’enquérir de l’existence d’un bail d’habitation de résidence principale avant de démarrer le dossier de vente.

Un seul interlocuteur pour le bailleur

En cas de pluralité de titulaires du droit de préférence, si ceux-ci souhaitent l’exercer concurremment, ils doivent s’accorder entre eux quant à la ou les personne(s) qui exercera(ont) le droit de préférence, dans le délai imparti pour l’exercice du droit, à peine de déchéance.

La notification de mise en vente faite au locataire est de plein droit opposables aux autres titulaires qui ne pourront faire valoir leurs droits qu’à l’égard du preneur, sans recours contre le bailleur, le notaire ou l’agent immobilier.

La notification de préemption doit mentionner si le preneur exerce le droit de préférence à titre personnel ou pour compte de l’un des titulaires. Dans ce dernier cas, le titulaire pour compte de qui la notification est faite par le locataire, doit aussi signer la lettre recommandée avec accusé de réception.

La primauté de la recommandation postale

Les notifications doivent être faites par courrier recommandé à la poste avec accusé de réception (art. 247/2, § 7). L’utilisation d’une adresse électronique contractualisée dans le bail n’a pas été retenue. Pour la date, la loi retient le moment de la réception.

Cela concerne tant le bailleur et le locataire que le notaire et l’agent immobilier.

L’article 1.5 du nouveau Code civil dispose que « la notification parvient au destinataire lorsque celui-ci en prend connaissance ou aurait raisonnablement pu en prendre connaissance. » Il faudra tenir compte du délai de réception usuel d’un pli recommandé.

Les opérations hors champ

Le droit de préemption du locataire ne s’applique pas aux transactions suivantes :

« 1° la vente de logements entre conjoints, cohabitants légaux ou cohabitants de fait domiciliés à la même adresse formant une communauté de vie, ainsi qu’entre parents ou alliés jusqu’au troisième degré inclus, pour autant qu’il n’y ait pas de faculté d’élire command au profit d’une personne autre que celles mentionnées ci-avant ; »

L’ordonnance ne prévoit pas une condition de non revente dans un certain délai.

« 2° la vente de nue-propriété, d’usufruit ou d’autres droits réels, ainsi que les ventes moyennant rente viagère, y compris celles assorties d’un terme non aléatoire ; »

Dans la vente à terme non aléatoire, toutes les rentes sont payées sur une durée fixe, avec réversion en cas de décès. Le caractère aléatoire ne porte que sur l’occupation.

« 3° la vente de logements en suite de fusions, scissions, liquidations de sociétés ; »

Ces opérations ne constituent pas des ventes, mais on comprend l’objectif du législateur vu la continuité de la personnalité juridique en matière de transformation de société. On regrette cependant que les cessions de branches d’activité ou de fonds de commerce ne soient pas mentionnées.

Les ventes sur faillites ne sont pas exclues ; le curateur ne peut notifier une offre ferme car il ne peut s’engager, la vente devant être autorisée par le tribunal de l’entreprise sur avis du juge-commissaire. Le curateur devra systématiquement passer par la vente publique.

« 4° la vente à la société ou l’apport en société dont le vendeur ou son/sa conjoint(e) ou cohabitant(e) légal(e) possède seul(e) ou avec des parents ou alliés jusqu’au troisième degré, au moins cinquante pour cent des parts sociales de la société existante ou à créer ; »

Ici aussi, on comprend l’objectif mais, dans les autres cas, comment préempter sur un apport en société ? En faire une vente sur base de la valeur d’échange ; il faut dire que l’apport d’un bien d’habitation est déjà fiscalement traité comme une vente.

« 5° la cession de droits indivis entre coindivisaires ; »

C’est regrettable si le preneur est lui-même indivisaire. La pratique développera des droits de préférence conventionnels dans les convention d’indivision organisées.

« 6° la vente du bien à une administration publique ou à une personne morale de droit public, lorsque le bien est acquis en vue d’être utilisé à des fins d’intérêt général ; »

« 7° les biens faisant l’objet d’un arrêté d’expropriation pour cause d’utilité publique ; »

« 8° les biens frappés par un arrêté d’inhabitabilité ; »

« 9° les immeubles à logements multiples occupés par différents locataires, en cas de vente de la totalité de l’immeuble ; »

Le texte ne porte pas sur les immeubles à destination exclusivement résidentielle mais requiert qu’il y ait des logements multiples. Cela signifie, à notre avis, que lorsque l’immeuble est mixte (logements multiples, bureaux et commerces), la vente de l’ensemble ne sera pas handicapée par la découpe. C’est important car ce type de transaction intéresse des investisseurs rétifs à la copropriété avec des privés.

« 10° les biens ayant fait l’objet d’une promesse de vente avec date certaine antérieure à la conclusion du bail, pour autant que cette promesse soit acceptée par son bénéficiaire. »

Sont ici visé les options mais pas les droits de préférence conventionnels antérieurs au bail (voir infra).

La procédure

L’article 247/2 détermine le modus operandi. En réalité ce n’est pas seulement un droit de préemption ; c’est d’abord un droit de premier refus.

Avant de vendre, le bailleur doit informer le preneur de son intention de vendre et du droit de préférence dont il dispose. La notification contient l’indication du prix et des conditions de la vente projetée.

Cette notification vaut offre de vente.

Cela signifie-t-il que le propriétaire ne plus faire une mise sur le marché « test » pour voir comment le marché répond au bien, et pour voir quel prix notifier au preneur ?

Nous ne le pensons pas. L’ordonnance dispose « avant de vendre ». Le propriétaire peut donc sonder le marché avant de notifier mais il ne peut s’engager à vendre. Il peut donc déjà solliciter des offres pour voir à quel prix il peut annoncer son intention de vendre au locataire.

Autrement, on peut penser que le bailleur notifiera un prix élevé. En effet, il devra notifier la mise en vente en mentionnant un prix avant d’avoir confronté le bien au marché. En prévision d’une éventuelle bonne réaction du marché, le bailleur a plutôt intérêt à viser haut.

La notification peut engendrer trois situations :

  1. Le preneur accepte dans les 30 jours en mentionnant pour qui le droit de préemption est exercé (le cas échéant le titulaire concerné signe aussi) et en joignant la preuve de la domiciliation.  Cette réponse vaut vente.
  2. Le preneur notifie dans les 30 jours qu’il renonce.
  3. Le preneur ne répond pas dans les 30 jours ce qui vaut renonciation.

Si le preneur a renoncé à préempter, le bailleur peut poursuivre la commercialisation. Mais s’il décide de vendre à un prix plus avantageux que les conditions de la notification, il devra restaurer la priorité au preneur.

En ce cas, le bailleur doit notifier au preneur les nouvelles conditions (dont le prix) et cette notification vaut, elle aussi, offre de vente. Elle est valable pendant 7 jours à compter de la réception de la nouvelle notification.

Le preneur peut accepter ou renoncer. S’il ne répond pas dans les 7 jours, cela vaut renonciation.

Les professionnels de la vente immobilière

Au stade du droit de premier refus, le notaire et l’agent immobilier ont une obligation propre de notification, lorsqu’ils constatent que le bailleur reste en défaut.

En effet, à  défaut de notification par le propriétaire, le notaire ou l’agent immobilier, chargé de cette vente est soumis à la même obligation, s’il dispose de l’identité du preneur, le cas échéant pour le notaire, en ayant recours au registre national.

Comme l’agent immobilier doit informer les contreparties sur la disponibilité du bien (art. 57 du Code de déontologie), il pourra difficilement prétendre qu’il ignorait l’identité du preneur.

Etonnamment, l’ordonnance vise l’agent immobilier au sens de l’arrêté royal du 6 septembre 1993 qui est abrogé depuis la loi du 11 février 2013 …

Au stade de la préemption proprement dite, le notaire seul est investi d’une obligation réparatrice du défaut du bailleur vendeur.

En effet, le notaire chargé de passer l’acte authentique de vente doit vérifier si l’obligation d’information a été exécutée.

A défaut, il notifie au preneur une copie du compromis de vente ou d’un écrit similaire constatant l’échange des consentements sur le bien, le prix et les conditions de la vente (l’offre acceptée en réalité), sauf si le preneur a renoncé par écrit à son droit de préférence.

On notera que la Région ne dispose d’aucune compétence dans le domaine du courtage et du notariat (matières fédérales) pour imposer des obligations à ces professionnels.

Pour bénéficier de la théorie des compétences implicites, seules les dispositions rigoureusement nécessaires à l’exercice de la compétence attribuée sont admises.

Rendre les notaires et agents immobiliers responsables du bon fonctionnement du dispositif est certainement utile ; mais est-ce nécessaire ? on peut en douter d’autant que la déontologie et la police de l’exécution de bonne foi des contrats suffisait à responsabiliser ces professionnels.

La même réflexion vaut pour la modalisation de la vente sur préemption : « l’acceptation par le preneur des prix et conditions mentionnées dans la notification vaut vente. Le transfert de propriété du bien et le paiement du prix n’ont lieu qu’à la signature de l’acte authentique, sans préjudice du paiement d’un acompte s’il échet. »

Or le droit de la vente ne relève pas davantage des compétences de la Région. Ici encore, le législateur régional bruxellois applique largement ses compétences implicites.

Par ailleurs le futur livre 7 en matière de contrats spéciaux fera probablement de la vente d’immeuble un contrat solennel ce qui rendra inutile la disposition reportant les effets de la vente sur préemption à l’acte.

Notons au passage que depuis la généralisation de la clause de libération hypothécaire, il y a longtemps que les ventes ne se font plus avec un acompte mais bien avec une garantie.

L’agent immobilier devra assister le propriétaire vendeur pour évaluer le bien et formuler la notification préalable à la commercialisation. Il devra sécuriser son droit à la commission en cas de préemption car ce type de vente n’est pas à proprement parler une vente sur courtage.

La pratique généralisera sans doute des clauses d’indemnisation forfaitaire si le courtage s’éteint par préemption.

Le contenu de la notification de l’intention de vendre

L’article 5.24 du nouveau Code civil n’exige que la notification des éléments essentiels et substantiels. Les éléments accessoires ne sont pas requis. Mais il faut de quoi faire une vente par exercice du droit.

L’ordonnance ne déroge pas à cette dernière exigence mais complète comme suit l’information qui doit être délivrée. Elle doit contenir :

  1. l’identité et le domicile du bailleur ;
  2. l’adresse du logement dont la vente est projetée ;
  3. la description du logement, et notamment son identifiant cadastral parcellaire ;
  4. l’indication du prix, ou en cas de vente publique de la mise à prix, et des conditions de la vente projetée ;
  5. le cas échéant, les droits réels grevant le bien.

Cette énumération ne porte pas sur les éventuels autres éléments essentiels mais, comme dit plus haut, ils sont requis à peine de quoi la vente peut intervenir.

Cela n’exclut évidemment pas les autres informations légales que l’ordonnance passe sous silence. Citons,

  1. Le certificat de PEB ;
  2. Les mentions de l’article 12 de l’ordonnance du 5 mars 2009 en matière de sol ;
  3. Les renseignements urbanistiques des articles 275 et 281 CoBAT ;
  4. Les renseignements de l’article 3.94, § 1, du nouveau Code civil (copropriété) ;
  5. Les informations que le preneur peut raisonnablement attendre au sens de l’article 5.16 du nouveau Code civil.

Ces informations doivent être communiquées au stade de la publicité avant que le futur acquéreur ne s’engage ; le fait que la vente naisse sur préemption n’y fait pas exception.

La vente publique

Le notaire notifie au plus tard 30 jours avant la première séance, le cahier des charges de la vente publique au preneur, avec mention de la date de la première séance.

À la fin des enchères le notaire demande publiquement au locataire s’il exerce son droit au prix de la dernière enchère.

Il en va de même en cas de revente par suite de l’exercice du droit de surenchère.

Le logement est adjugé au titulaire du droit de préférence qui déclare exercer son droit au prix de la dernière enchère ou surenchère.

Si le titulaire du droit de préférence ne déclare pas, lors de la séance de vente publique, vouloir exercer son droit, il est présumé y renoncer. En cas de renonciation, la vente se poursuit conformément aux règles relatives aux adjudications publiques.

La vente publique dématérialisée

Le notaire notifie au preneur au moins 30 jours avant le début de la période d’enchères une copie des conditions de la vente et l’adresse du site internet sur lequel la vente dématérialisée sera réalisée.

Si le preneur veut exercer son droit de préemption, il le notifie au notaire au plus tard la veille du début des enchères, en précisant le prix maximum, hors frais, qu’il est disposé à payer pour le bien.

Si le montant de la dernière enchère retenue par le notaire est inférieur ou égal à ce prix, le bien sera adjugé au preneur.

Si la dernière enchère est supérieure, le preneur ne pourra plus exercer son droit de préférence.

La violation du droit de préemption

La sanction est la subrogation dans la position de l’acquéreur ; l’action en subrogation est formée contre l’acquéreur et doit être « également signifiée au bailleur ». On n’aperçoit pas la sanction de cette dernière formalité et l’on suppose qu’il s’agit d’une demande de déclaration de jugement commun ou de garantie pour les dommages.

La mention des métadonnées des articles 139 à 141 de la loi hypothécaire doit figurer dans la citation ou dans les conclusions car ce sont des données requises pour la transcriptibilité.

« La demande n’est reçue qu’après que l’exploit introductif d’instance a été transcrit à l’Administration générale de la Documentation Patrimoniale, à la diligence de l’huissier auteur de l’exploit. »

Mais il n’est pas question de recevabilité, du moins pas immédiatement. En droit commun (art. 3.33) le défaut de mention marginale est une fin de non procéder et non pas de non recevoir (H. De Page, « Traité de droit civil belge », T. V, vol. 3, Bruylant, Bruxelles, 2023, p. 112).

La subrogation ne se concilie pas avec la règle de l’article 247/2, § 8, qui répute toute vente soumise à préemption est conclue sous condition suspensive de non exercice du droit de préemption par le locataire. S’il y a préemption, la vente est dissoute par la condition et on n’aperçoit pas comment le locataire peut y être subrogé …

La même contradiction se trouve dans l’article 265 CoBAT ; de manière générale on observe un alignement textuel entre le droit de préemption dans la police de l’urbanisme et celui dans la police du logement.

Dans l’article 5.26 du nouveau Code civil, le mécanisme n’est pas une subrogation mais une substitution, alternativement à une action en inopposabilité. La différence est ténue.

Par l’effet de la subrogation, le locataire subrogé doit rembourser à l’acquéreur le prix payé par lui. L’ordonnance prévoit aussi que « le preneur subrogé est tenu d’indemniser l’acquéreur pour les frais de l’acte. Les droits d’enregistrement sont restitués à la demande de l’acquéreur par l’administration fiscale en charge de la perception de ces droits. »

La restitution des droits aurait mieux trouvé sa place dans l’article 209 du Code des droits d’enregistrement.

Cela étant, si les droits sont restitués à l’acquéreur par l’administration, le locataire subrogé ne doit pas les rembourser, contrairement à ce qu’avancent les travaux parlementaires.

Le locataire subrogé doit payer les droits adaptés à sa situation, soit avec l’abattement même si le tiers acquéreur n’en bénéficiait pas. Le système de l’ordonnance, amélioré par les remarques du Conseil d’Etat (A-724/2 – 2022/2023, p. 33), est mieux élaboré que l’article 5.26 qui est muet sur l’effet de la substitution.

Par contre, l’ordonnance n’a pas envisagé la question de l’hypothèque consentie pour toutes sommes par l’acquéreur ; certes, le banquier n’est pas protégé par l’article 3.17 du nouveau Code civil qui ne vise pas la subrogation mais il peut invoquer l’apparence et l’arrêt du 21 janvier 2021 de la Cour de cassation (R.W., 2020-21/34, note B. Verheye).

Le locataire subrogé peut cependant invoquer l’article  5.146, § 2, 1°, du nouveau Code civil, comme créancier d’une obligation de donner, pour faire déclarer l’hypothèque inopposable, puisque la vente au tiers est de toute façon conditionnelle.

Le délai d’action est d’un an : « L’action en subrogation se prescrit par un an à dater de la transcription, soit du procès-verbal de l’adjudication publique, soit de la signification de l’acte authentique constatant la vente sous seing privé. » Etrange formulation (inspirée de l’article 274, § 2, CoBAT) car il n’existe aucune transcription de signification de l’acte authentique … ?

Le législateur bruxellois a-t-il voulu que l’acquéreur signifie son titre au preneur s’il veut faire courir le délai ? il doit de toute façon notifier le nouveau numéro de compte pour le paiement du loyer.

Droit impératif

La matière est impérative : le preneur ne peut renoncer d’avance, en tout ou en partie, au droit de préférence (article 247/4).

Quant peut-il renoncer alors ? dès qu’il reçoit la notification de la mise en vente. C’est à ce moment que  la raison d’être de la protection prévue par la règle impérative violée a cessé, pour reprendre la formulation de l’article 5.61, alinéa 2, du nouveau Code civil.

En cas de renonciation, le preneur est responsable des rapports avec les autres titulaires, à la décharge du bailleur.

Concours de droit de préemption

Les travaux parlementaires nous apprennent que le droit de préemption du locataire prime celui des régies foncières. Cela ne manquera pas d’alimenter des préemptions spéculatives dans le chef des locataires.

Quid d’un droit conventionnel de préemption consenti préalablement au bail ? Comme la loi s’applique aux baux en cours, le droit de préférence conventionnel ne s’appliquera que si le locataire ne préempte pas.

Le bénéficiaire du droit conventionnel de préférence ne pourra en principe pas reprocher au propriétaire de donner à bail de résidence principale car il ne dispose que d’un droit éventuel (Cass., 24 janvier 2003, rôle n° C.00.0305.N, www.juportal.be).

La solution s’applique a fortiori lorsque la convention de préférence est conclue sur un immeuble déjà loué.

En conclusion

En 2017, le locataire s’est vu reconnaître un droit d’information (art. 242) en cas de mise en vente du logement de gré à gré, préalablement à toute communication publique relative à la mise en vente.

Cela lui permettait d’entamer immédiatement des négociation avec le bailleur s’il se sentait capable d’acquérir. Ce droit d’information a perdu sa raison d’être.

Par ailleurs, les agents immobiliers ont pris l’habitude d’interroger le locataire avant d’exposer des frais de publicité, car celui-ci est un acquéreur naturel.

Enfin, il n’y a pas pénurie de logement à Bruxelles. La mobilité des locataires n’est pas le problème.

Le droit de préemption du locataire n’était donc pas indispensable au regard du droit au logement.

Un rapport « Residential Market Overview » du courtier JLL révélait en 2021 que seuls 40 % des ménages de la Région de Bruxelles-Capitale vivent dans un logement dont ils sont propriétaires alors que cette proportion grimpe respectivement à 72 et 67 % en Flandre et en Wallonie (le Soir, 17 juin 2021).

Cela montre que le problème du maintien du logement à Bruxelles trouve sa source dans la paupérisation de la population et non dans la difficulté d’acquérir le bien occupé par bail.

La photo : une belle maison Art Déco avenue René Comhaire à Berchem saint Agathe.

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