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Carnoy & Braeckeveldt, avocats de l’immobilier à Bruxelles

La jurisprudence d’appel des loyers sous covid n’est pas homogène

Un jugement inédit du 13 octobre 2022 du tribunal de première instance francophone de Bruxelles (section civile, 16ème chambre, rôle n° 20/3201/A, en cause Zoni) se montre bien sévère envers un preneur commercial exploitant une pizzeria.

Le tribunal n’accorde pas de remise de loyer durant le première période de covid, lorsque les commerces de détail non essentiels étaient fermés, et prononce même la résolution du bail.

Il faut dire que le preneur avait déjà été défaillant avant cette période, ce qui a sans doute joué un rôle dans l’appréciation du tribunal.

Citons l’extrait pertinent du jugement :

« Monsieur C et Madame G exposent qu’il n’y a aucun abus de droit dans leur chef de réclamer l’intégralité des loyers dès lors que Zoni a continué à exploiter les lieux loués pendant la période de confinement en faisant de la vente à emporter, bénéficiant en outre des aides mises en place par les autorités.

Dans l’hypothèse où le tribunal ferait droit à la demande de diminution du loyer de moitié pour la période du 14 mars au 8 juin 2020 (3 mois) et d’octobre à décembre 2020 (3 mois), ils soutiennent que resterait due la somme de 3.881,95 €.

Zoni reconnaît devoir (…).  

Zoni demande au tribunal de l’exonérer de quatre mois de loyer à concurrence de (soit du 14 mars au 8 juin 2020 ainsi que pour octobre 2020) suite à la survenance des mesures de confinement dans le cadre de la pandémie de Covid19. Elle soutient que ses bailleurs n’ont pas été en mesure de lui prodiguer la jouissance du bien à destination commerciale en raison d’une décision des autorités et invoque une cause de force majeure pour être libérée, à tout le moins partiellement, de son obligation de payer le loyer.

En l’espèce, le tribunal considère que :

(…)  il ne se justifie en outre pas de l’exonérer de 50 % du montant du loyer pendant la période de confinement, ses bailleurs n’ayant pas manqué à leur devoir d’assurer la jouissance paisible des lieux qui ont toujours été mis à sa disposition et ont pu être utilisés pour préparer des plats à emporter, outre que Zoni a pu bénéficier des aides des autorités afin de l’aider à contrer ces difficultés et à continuer à honorer ses engagements. Zoni ne plaide pas l’abus de droit dans le chef de Monsieur C et Madame G ; en tout état de cause, en l’espèce, les conditions d’un abus de droit ne sont pas réunies.

(…)  Pour ce qui concerne le précompte immobilier afférent à l’année 2020, il n’y a pas lieu de le réduire étant donné que le tribunal ne retient pas de perte de jouissance des lieux imputable aux bailleurs, comme exposé au point ci-dessus. »

Cette jurisprudence bruxelloise d’appel rejoint une bonne partie de la jurisprudence flamande, plus stricte dans l’appréciation de la force majeure.

Espérons que notre Cour de cassation se prononce rapidement.

Certes la problématique relève essentiellement d’une appréciation en fait, mais pas seulement.

En droit, la question se pose de savoir si l’obligation du bailleur de faire jouir le preneur est suspendue par la force majeure quand c’est le preneur qui ne peut exploiter son commerce.

Je suis curieux de savoir ce qu’en pense la Cour de cassation belge.

En France, la Cour de cassation s’est fendue d’un communiqué de presse (www.courdecassation.fr) à la suite de son arrêt du 30 juin 2022 (plusieurs pourvois), relatif aux baux commerciaux et à l’état d’urgence sanitaire :

« La mesure générale et temporaire d’interdiction de recevoir du public n’entraîne pas la perte de la chose louée et n’est pas constitutive d’une inexécution, par le bailleur, de son obligation de délivrance. Un locataire n’est pas fondé à s’en prévaloir au titre de la force majeure pour échapper au paiement de ses loyers. »

C’est clair.

Terminons par une nuance. Dans l’affaire exposé plus haut, le tribunal constate que les bailleurs n’ont pas manqué à leur devoir d’assurer la jouissance paisible des lieux (en France l’obligation de délivrance).

La raison est que les lieux ont toujours été mis à la disposition de la locataire et ont pu être utilisés pour préparer des plats à emporter (c’était une pizzéria).

En ce sens, on ne peut affirmer que cette jurisprudence d’appel s’écarte totalement des décisions qui ont été publiées sur notre site.

Le tribunal relève encore que la locataire commerciale a pu bénéficier des aides des autorités afin de l’aider à contrer ses difficultés et à continuer à honorer ses engagements.

Cette considération est relative au caractère radical de la force majeure qui doit rendre impossible l’exécution de l’obligation.

Mais c’est irrelevant si la force majeure porte sur l’obligation du bailleur de faire jouir le preneur.

Or le preneur est libéré par l’effet de la théorie des risques et non par la force majeure s’appliquant à son obligation.

La question des aides publiques, très présentes dans les décisions récentes, porte plutôt sur le moyen de l’abus de droit.

Ce qu’il faut retenir c’est que la prudence reste de mise.

Certes, il existe une jurisprudence qui libère (partiellement, selon les périodes) le locataire commercial, mais il ne faut pas s’arrêter là.

Une jouissance partielle, les aides publiques, les antécédents, les offres d’échelonnement, tout cela compte de plus en plus dans la jurisprudence.

La seule véritable solution est de négocier un accord, et d’éviter le tribunal.

La photo : une belle maison entre Art déco et Modern Style, avenue Cardinal Micara à Auderghem. Malheureusement, je ne connais ni l’architecte ni l’année de construction.  L’avenue portait à l’origine le nom d’un autre cardinal, le Cardinal Mercier. Mais la Ville de Bruxelles voulait elle aussi honorer cet ecclésiastique. Pour éviter une confusion, il fut demandé à la Commune d’Auderghem d’utiliser un autre cardinal. Il n’en manquait pas, ce fut Micara.  

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