Si l’agent immobilier dépasse son mandat et que le commettant ne ratifie pas la vente conclue hors mandant, le tiers pourrait-il invoquer la responsabilité de l’agent immobilier ?
Il faut d’abord insister sur le fait que le mandant n’est pas tenu par l’acte posé par son mandataire agent immobilier en dehors des limites du mandat (art. 1998 du Code civil). Mais le mandataire n’est pas davantage tenu envers le tiers car il n’a pas agi en son nom.
Le tiers qui pensait avoir acheté (ou vendu) et qui perd le bénéfice de l’opération peut-il réclamer des dommages au mandant ? Non, car celui-ci n’a commis aucune faute.
Le tiers peut-il alors poursuivre son dommage contre le mandataire ?
La question s’inscrit dans le cadre du concours de responsabilité. Le mandataire n’a pas exécuté le mandat, ce qui est une faute contractuelle. Cette faute peut aussi constituer un faute extracontractuelle envers un tiers, si elle lui cause un dommage et si elle réalise, simultanément et indépendamment du contrat, une violation de l’obligation générale de prudence s’imposant à tous (Cass., 20 juin 1997, Pas., 1997, I, n° 286). Cette condition sera difficile à réaliser.
Mais il y a aussi un obstacle tenant au dommage. Le principe indemnitaire en matière de responsabilité veut que la victime soit replacée dans la situation où la faute n’aurait pas été commise. Or, si l’agent immobilier n’avait pas dépassé son mandant, le tiers n’aurait pu prétendre aux conditions de la vente conclue fautivement par l’agent immobilier.
C’est donc tout au plus un préjudice moral, l’espoir déçu, qui constitue le seul dommage réparable dans le chef du tiers, à charge de l’agent immobilier mandataire maladroit.
Enfin, il faut encore considérer, comme le fait M. De Page, que le tiers a toujours le droit d’exiger que le mandataire exhibe sa procuration (H. De Page, « Traité élémentaire de droit civil belge », Bruylant, Bruxelles, 1975, T. V., p. 440). S’il s’en abstient, il contracte à ses risques et ne peut reprocher au mandataire d’avoir excédé son pouvoir. Cette thèse me paraît toutefois excessive car si le tiers a le droit de vérifier les pouvoirs du mandataire, il n’en a pas l’obligation.
Si l’acheteur demande à voir la procuration, il voit aussi les limites de prix acceptées par le propriétaire. Ce n’est plus alors une négociation très équilibrée…