L’article 247/1, § 1er, alinéa 1er, du Code du logement accorde au « preneur » un droit de préemption.
La disposition précise que ce droit profite au « conjoint ».
Faut-il en déduire que le conjoint n’est pas nécessairement vu comme un preneur au sens de l’ordonnance du 28 septembre 2023 ?
C’est une question importante car normalement les notifications doivent être faites à chaque époux ; cette règle est-elle écartée dès lors que la notification au preneur profite à l’époux ?
La question est d’autant plus sensible lorsque le bailleur ne connait pas le nom du conjoint de son preneur.
La disposition ne question se lit comme suit :
« En cas de mise en vente d’un logement qui fait l’objet d’un bail de résidence principale, le preneur dispose d’un droit de préférence, à la condition qu’il soit domicilié dans ledit logement, pour « lui-même », son « conjoint » ou cohabitant légal ou de fait, ou pour ses descendants ou enfants adoptifs ou ceux de son conjoint ou cohabitant légal ou de fait, à la condition que ceux-ci soient également domiciliés dans ledit logement à la date de la notification visée à l’article 247/2, § 1er. »
On sait que le droit au bail appartient conjointement aux époux, même si le bail a été conclu par l’un d’entre eux avant le mariage (article 215, § 1, alinéa 3, de l’ancien Code civil).
Le paragraphe 2 de l’article 215, alinéa 2, prévoit dès lors que les notifications relatives au bail doivent être adressées séparément à chacun des époux.
Cela ne se limite donc pas au congé mais à toutes les notifications requises par l’exécution du bail.
Toutefois, l’alinéa 3 précise que le preneur ne peut invoquer la nullité de la notification si le bailleur ignorait le mariage.
Le système mis en place par le Code bruxellois du Logement relativement au droit de première offre suivi du droit de préemption du preneur paraît à première vue différent.
L’article 247/1, § 1, alinéa1, du Code bruxellois du Logement dispose que le droit de préemption appartient au preneur pour lui-même, son conjoint ou cohabitant légal ou de fait.
Cette locution traite le conjoint non pas de preneur, mais de bénéficiaire du droit de préemption.
L’ordonnance du 28 septembre 2023 fait en effet la distinction entre le preneur et le bénéficiaire, ces qualités pouvant bien évidemment se confondre.
Si donc le conjoint est traité de bénéficiaire aux côtés du preneur, faut-il en déduire qu’il n’est pas considéré comme un preneur contrairement à l’article 215 de l’ancien Code civil.
L’article 247/2, § 1, du Code bruxellois du Logement dispose d’ailleurs que : « les notifications faites en application du présent article sont de plein droit opposables aux autres titulaires de droit de préférence (le conjoint), tels que visés à l’article 247/1, qui ne pourront faire valoir leurs droits qu’à l’écart du preneur, sans recours contre le bailleur, le notaire ou l’agent immobilier ».
Mais les travaux parlementaires (Doc. A-724/1-2022-2023, page 7) expliquent ceci :
« Dès lors que le bailleur n’est pas nécessairement informé de tous les occupants qui résident dans le logement concerné et qui y seraient, par hypothèse, domiciliés, la disposition en projet prévoit que cette notification est opposable de plein droit au conjoint du preneur ou au cohabitant légal pour autant que son existence n’ait pas été préalablement porté à la connaissance du bailleur.
A l’inverse, si le conjoint ou le cohabitant légal sont mentionnés dans le contrat de bail ou que le bailleur en a connaissance par toute autre voie, il a l’obligation de notifier tant au preneur lui-même qu’aux « assimilés » et ce, par des notifications individuelles séparées conformément aux dispositions de l’article 215, § 2, de l’ancien Code civil ».
Il en résulte que le conjoint est bénéficiaire du droit de préemption s’il est occulte et titulaire du droit de préemption comme preneur s’il est connu du bailleur.
En d’autres termes, la matière du droit de préemption du locataire bruxellois ne déroge pas à la règle : même si le conjoint est légalement bénéficiaire, il faut bien lui envoyer séparément la notification.
Les notaires et agents immobiliers chargés de la formalité doivent y être attentifs car l’obligation existe même si le preneur n’était pas encore marié lors de la conclusion du bail.
Si le bailleur a le moyen de savoir s son locataire s’est marié, le notaire et l’agent immobilier n’en savent souvent rien.
Or il doivent pourtant veiller à effectuer une notification à chaque époux, même s’il n’y a qu’un preneur et même si le conjoint est de toute façon bénéficiaire.
La photo : une jolie maison moderniste à Uccle, avenue du Manoir, à proximité de l’église orthodoxe. L’occasion, entrez dans cette église, vous changerez de siècle.

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