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Carnoy & Braeckeveldt, avocats de l’immobilier à Bruxelles

Le quatrième renouvellement

Le preneur a droit à trois renouvellements de son bail commercial ; plus exactement il a le droit de solliciter trois renouvellements et le bailleur peut refuser à certaines conditions.

Après trois renouvellement, soit 36 ans, le preneur ne peut plus demander un quatrième renouvellement. Mais les parties peuvent-elles convenir d’un quatrième renouvellement ?

La liberté contractuelle impose évidemment de répondre affirmativement à cette question mais là n’est pas le problème. La difficulté est de savoir quelle sera la nature du bail concrétisant ce quatrième renouvellement.

S’gira-t-il d’un nouveau bail commercial ? ou d’une prorogation du troisième renouvellement ? ou d’un bail de droit commun puisque la protection de la loi s’arrête à trois renouvellement ?

En tout cas ce n’est pas une reconduction tacite à durée indéterminée selon l’article 14 in fine puisque cette disposition se limite à la situation du preneur forclos de son droit au renouvellement, laissé en possession des lieux.

Messieurs La Haye et Vankerckhove n’excluent pas la possibilité de convenir d’un quatrième renouvellement mais ils restent prudents sur la question de savoir si ce faisant, les parties ouvrent une nouvelle ère de protection (Les Novelles, T. VI, vol. II, Les baux commerciaux », Larcier, Bruxelles, 1984, p.200, n° 1755bis).

La question est importante car cela signifie que la durée devra correspondre à neuf années et génèrera le droit à trois renouvellement, ce qui ne s’inscrit généralement pas dans la démarche de consentir un quatrième renouvellement extralégal.

Les auteurs précités renvoient à la volonté des parties, reconnaissant qu’elle peuvent si elles le souhaitent se limiter à un réel (quatrième) renouvellement.

Madame Merchiers invoque, elle aussi, l’intention des parties : « si la volonté expresse des parties est (…) de proroger le bail originaire avec pour conséquence que les preneurs conservent la jouissance ininterrompue du bien stipulé dans le contrat de bail originaire, il ne peut s’agir que d’un renouvellement du bail puisque aucun élément nouveau n’intervient ; les parties contractantes et le bien loué étant restés inchangés » (note sous Cass., 7 mai 1981, R.C.J.B., 1983, p. 535).

Monsieur Louveaux est plus circonspect. Il relève à bon droit que la liberté des parties est encadrée en la matière, puisque la loi est impérative, quelle que soit l’intention des parties.

Pour cet auteur, ce renouvellement non prévu par la loi devra nécessairement être un bail commercial puisque la loi s’applique de manière impérative en fonction de l’activité exercée dans les lieux (« Le droit du bail commercial », Larcier, Bruxelles, 2011, p. p. 2016, n° 247).

Pour Madame Janssens, rien n’empêche les parties de convenir à l’amiable d’un quatrième renouvellement mais la prudence s’impose au bailleur, afin d’éviter que la prorogation s’impose comme un nouveau bail commercial (« Les péripéties du renouvellement », in Le bail commercial (coll.), La Charte, Bruxelles, 2008, p. 331, n° 15).

La Cour de cassation a rencontré cette situation dans un arrêt du 24 octobre 2002 (Pas., I, 2002, p. 248).

Dans ses conclusions, l’avocat général De Riemaecker, pose qu’une fois la faculté de renouvellement épuisée, c’est le droit commun en matière de baux qui trouve à s’appliquer, les parties retrouvant leur pleine liberté contractuelle.

Par conséquent si la volonté expresse des parties est de proroger le bail originaire, il ne peut s’agir que d’un renouvellement du bail puisque aucun élément nouveau n’intervient (rôle n° C.01.0137.F, www.juportal.be).

Le critère est ici l’identité de la nouvelle période avec la bail originaire, ce qui semble exclure un quatrième renouvellement à d’autres conditions.

Par ailleurs, invoquer la liberté contractuelle et le droit commun semble faire l’impasse sur le caractère impératif de la loi sur les baux commerciaux.

Enfin, on ne peut se départir du sentiment que les opinions qui précèdent ne distinguent pas clairement la différence entre la notion de prorogation (modifier la durée d’un même bail) et renouvellement (convenir d’un nouveau bail).

L’arrêt de la Cour de cassation n’apporte pas la clarté sur ce point, justement :

« Attendu que si la prorogation consentie nonobstant l’épuisement du droit des preneurs de demander le renouvellement du bail exige un nouveau consentement des parties de sorte qu’il s’opère « un nouveau bail », cette circonstance ne fait toutefois pas obstacle à ce que pareille prorogation à la suite de laquelle les preneurs conservent la jouissance ininterrompue du bien stipulée dans le bail originaire, constitue un renouvellement de celui-ci au sens de l’article 13 de la loi sur les baux commerciaux ; (…)

Attendu qu’en décidant « qu’un bail renouvelé, et notamment la prorogation d’un bail consentie nonobstant l’épuisement du droit du preneur de demander le renouvellement, constitue un nouveau bail et non une simple prorogation du contrat originaire […] ; que la prorogation extralégale convenue entre (…) et (…) constitue dès lors un nouveau bail commercial (…), le jugement attaqué viole les dispositions légales invoquées ; »

Il résulte de cet arrêt qu’un quatrième renouvellement peut rester un renouvellement au sens de l’article 13 de la loi comme prorogation du bail originaire.

Le terme prorogation doit inciter à la prudence ; en effet, cela vise le même contrat dont on ne modifie que la durée.

Il n’est pas du tout certain que la Cour de cassation aurait statué de cette manière si d’autres stipulations avaient été modifiées, comme cela arrive souvent.

De même, si la Cour confirme que le quatrième renouvellement est … un renouvellement, et non un nouveau bail commercial (ouvrant ensuite droit à trois renouvellements), elle ne se prononce pas sur la nature de ce renouvellement.

Sera-t-il gouverné par la loi sur le bail commercial (sauf sur les renouvellement successifs) ou par le droit commun ?

À mon sens ce sera un renouvellement régi par la loi du 30 avril 1951, comme les trois premiers.

En conclusion, un quatrième renouvellement est possible, sans générer un nouveau bail commercial permettant au preneur de  repartir pour une durée potentielle de 36 ans, et ce renouvellement sera régi par la loi sur le bail commercial. Mais la plus grande prudence sera de mise si un autre élément que la durée se voit modifié.

Il y a des alternatives au bail : l’emphytéose mais elle doit avoir une durée d’au moins quinze ans et surtout les droits d’enregistrement sont à présent de 5 % sur les loyers et les charges.

C’est beaucoup quand on sait que le bail est taxé à 0,2 % … Mais dans l’emphytéose, le tréfoncier n’a aucune obligation d’entretien ou de réparation.

Quand à l’usufruit, il n’ya pas de durée minimale mais les droits sont alors de 12 ou 12,5 % et le nu propriétaire partage la charge des réparations avec son usufruitier.

La photo : La villa Genval chaussée de Philippeville à Loverval (Marcel Leborgne, 1929). Les vitraux de la rotonde  sont l’œuvre de Pierre Louis Fouquet. La maison remporte en 1930 la troisième mention du prix Van de Ven, je cite « œuvre dont les façades dénotent des qualités de recherche et sortent de l’ornière habituelle. Certains petits déséquilibres dans les façades semblent être le résultat d’une disposition du plan trop tourmentée » et « le programme est excellemment compris par rapport au paysage ».  Actuellement, cette maison est occupée par un bureau d’architecture, comme il se doit !

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