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Carnoy & Braeckeveldt, avocats de l’immobilier à Bruxelles

L’osmose inverse

Lorsqu’un droit de préemption est accordé et que le bien est mis en vente sous plus grande contenance, le vendeur doit faire une offre particulière et distincte pour la partie sous préemption.

C’est du moins ce qui est prévu à l’article 50, alinéa 3, de la loi du 4 novembre 1969 sur le bail à ferme.

Dans les autres cas de droit de préemption conventionnel, dans un bail ou ailleurs, le principe de l’exécution de bonne foi et d’équité (anciens articles 1134 et 1135 du Code civil) soutiennent ce principe.

On se réfère aujourd’hui aux articles 5.73 et 5.71 du nouveau Code civil.

La tentation est alors grande pour le vendeur qui veut frustrer le titulaire du droit de préemption, de survaloriser la partie sous préemption et sous-évaluer la partie qui ne l’est pas.  

Un jugement du 5 mars 2021 du tribunal de première instance du Luxembourg avait relevé un « phénomène de glissement de prix entre la valeur des biens loués et ceux qui ne le sont pas » dès lors que « la valeur d’un bien libre d’occupation de même qualité voire de qualité supérieure a été fixée à un prix inférieur à celui fixé pour un bien faisant l’objet d’un bail à ferme ».

Le tribunal en avait déduit que « l’explication de ce glissement réside dans le phénomène d’osmose inverse possible qui révèle ainsi la volonté d’empêcher les preneurs de faire usage de leur droit de préemption. »

Qu’en pense la Cour de cassation (22 avril 2022, rôle n° C.21.0438.F, www.juportal.be) :

« Le principe général du droit Fraus omnia corrumpit prohibe toute tromperie ou déloyauté dans le but de nuire ou de réaliser un gain.

En vertu de l’article 47 de la loi du 4 novembre 1969 portant les règles particulières aux baux à ferme, en cas de vente d’un bien rural loué, le preneur jouit du droit de préemption.

Suivant l’article 50, alinéa 3, de la loi, lorsque le bien loué ne constitue qu’une partie de la propriété mise en vente, le droit de préemption s’applique au bien loué et le propriétaire est tenu de faire une offre distincte pour ce bien.

Toute tromperie ou déloyauté dans l’établissement de l’offre en vue d’empêcher le preneur d’exercer son droit de préemption suffit à caractériser la fraude, quels que soient les mobiles qui sous-tendent cette intention du bailleur. »

Bref, La violation du droit de préemption par l’osmose inverse constitue une fraude dont on écartera les effets en droit.

Ce n’est pas la première fois que la Cour de cassation statue en ce sens.

Dans un arrêt du 3 juin 2004 (Pas., 2004, p. 968), la Cour de cassation a considéré que lorsque le bien loué ne constitue qu’une partie de l’ensemble des biens mis en vente par le vendeur, celui-ci ne peut fixer la valeur respective des biens loués et des biens qui ne sont pas loués d’une manière qui vise à empêcher le preneur d’exercer son droit de préemption.

On sait à présent que cette technique s’appelle l’osmose inverse et qu’elle expose à la fraude.

L’inexécution frauduleuse est régie actuellement par l’article 1.11 du nouveau Code civil.

La sanction du droit de préemption est confiée au nouvel article 5.26. Elle ne rejaillit pas sur le tiers cocontractant sauf s’il est de mauvaise foi (tiers complice).

Mais l’article 3.30, 5°, du nouveau Code civil soumet à présent le droit de préemption à la formalité de la transcription.

La question qui se pose aujourd’hui est de savoir si cette transcription fait présumer la mauvaise foi du tiers.

La doctrine flamande va en ce sens mais cela bouscule tous les principes car c’est la bonne foi qui est présumée. L’article 1.9 l’affirme et l’article 3.22 le répète.

D’un autre côté, le tiers qui acquiert est supposé s’assurer de la liberté hypothécaire par la publicité foncière. Et cela inclut aujourd’hui les pactes de préférence.

La jurisprudence à venir nous en dira plus.

La photo : un immeuble de logements de 5.100 m² sur une esplanade commune au nouveau centre administratif d’Etterbeek, avenue des Casernes 35. L’immeuble est composé de 6 niveaux. Les planchers sont réalisés en prédalles supportées par des murs en silico-calcaire (Jaspers Eyers – BAEB, 2017 – 2020). L’ensemble est particulièrement réussi.

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