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Carnoy & Braeckeveldt, avocats de l’immobilier à Bruxelles

La taxe bruxelloise sur le co-living

Le 19 décembre 2022, le Conseil communal de la Ville de Bruxelles a arrêté un projet de règlement-taxe sur le co-living, dont l’entrée en vigueur est fixée le 1er janvier 2023.

Une taxe de 1.520 € par chambre et par an sera due sur les immeubles dédiés au « co-living » sur le territoire de la Ville de Bruxelles (la Commune et non la Région).

Cela fait 127 € par mois et par chambre. Or une chambre en co-living se loue environ 600 € dans le moyen de gamme.

On mesure alors que la taxe va confisquer l’essentiel de la marge prévue par la société de co-living lorsqu’elle a arrêté son programme de travaux.

C’est donc une sérieuse menace qui s’élève sur un secteur qui répond pourtant à un besoin sociétal.

Le concept de co-living est défini comme suit dans le projet de règlement-taxe :

  • La mise en location,
  • par des baux individuels,
  • dans un immeuble d’habitation neuf ou existant,
  • d’espaces comprenant à la fois de larges espaces communs (notamment séjour, cuisines, zone de travail…) ainsi que des chambres privatives pour chaque occupant.
  • Le co-living est géré par un tiers pouvant procurer aux occupants une série de services (notamment nettoyage, réparations, activités variées, assistance numérique, etc.), le tout sans aucune interdépendance entre les différents contrats de location.

Si le co-living ne répond pas à cette définition, la taxe n’est pas due.

La taxe ne sera notamment pas due :

  • En présence d’un bail unique, même, à mon sens, s’il y a des avenants successifs pour organiser l’entrée et la sortie des colocataires ;
  • Ou si le co-living n’est pas géré par un « tiers », à savoir généralement une société spécialisée dans le co-living, offrant une gamme de services complémentaires au simple logement.

Ainsi, un propriétaire-bailleur ne sera pas concerné par la taxe pour autant qu’il ne délègue pas la gestion à une société spécialisée, cela même s’il offre une gamme de services importante qui dépasse le seul logement.

Si une société spécialisée est propriétaire-bailleresse et offre tous ces services, elle n’est pas « tierce » puisqu’elle est propriétaire ou titulaire d’un droit réel sur l’immeuble dans lequel le co-living est implanté.

Ses chambres ne seront pas non plus taxées.

On voit que c’est essentiellement le co-living professionnel qui est attaqué. La colocation par un privé par pacte de colocation est sous le radar.

Pour les professionnels spécialisés, il faudra arrêter de travailler avec une société du groupe qui sera chargée de l’exploitation, le patrimoine étant logé dans une autre société.

C’est un très grand problème pour les sociétés qui offrent un service de courtage à l’achat, mise en valeur pour l’investisseur et de gestion en co-living.

Pourquoi ces opérateurs gérants sont-ils visés et non ceux qui sont propriétaires gérants ? C’est une différence de traitement difficilement justifiable.

Une autre discrimination réside dans la non proportionnalité de la taxe due pas chambre sans considération du loyer.

Cela pourrait amener le juge fiscal à rejeter le règlement-taxe sur base de l’article 159 de la Constitution.

Si l’on entre dans le champ d’application du règlement, il faut encore voir s’il n’y a pas de cas d’exonération pouvant être soulevé.

Selon l’article 6, sont exonérés de la taxe « les immeubles pour lesquels il existe un pacte de cohabitation entre les locataires et un bail unique entre le propriétaire et les locataires. Ne donnent pas lieu à la perception de l’impôt : les chambres des institutions de soins de santé et des homes de retraite ».

Les opérateurs qui travaillent avec un bail unique utilisent parfois une règlement d’ordre intérieur (ROI) et non un pacte de cohabitation.

La solution est alors de réaliser un avenant aux contrats pour supprimer le ROI et imposer en lieu et place un pacte de cohabitation.

Cette notion n’est pas définie par le règlement-taxe, de sorte qu’il faut l’entendre dans le sens courant : un texte qui organise les modalités de vie en communauté des colocataires.

Dans le règlement, il est fait référence au pacte de cohabitation et non de colocation. Ce dernier est défini comme suit par le Code bruxellois du logement (police du logement) : « pacte signé par l’ensemble des colocataires d’un bail par lequel ceux-ci optent pour le régime de la colocation tel que prévu par l’article 261, qui arrête leurs obligations respectives et qui contient au minimum : la clé de répartition du loyer, la ventilation des dégâts locatifs et leur imputation sur la garantie locative dans l’hypothèse de dégâts occasionnés par un ou plusieurs colocataires distinguables de l’ensemble du groupe qu’ils forment, les entretiens et réparations, la division des charges, un inventaire des meubles et de leur provenance, les questions relatives à la garantie locative et à la prise en charge des assurances dont l’assurance incendie, et les modalités d’arrivée, de départ et de remplacement d’un colocataire »

Les notions de « pacte colocation » et de « pacte de cohabitation » se recouvrent-elles ? 

L’avenir dira si la Ville rectifie son projet en se référant à la police régionale du logement.

Le projet de règlement est motivé « vu la situation financière de la Ville », ce qui ne veut évidemment rien dire.

Plus loin, il est indiqué que « le Conseil communal a jugé nécessaire d’imposer le coliving visé par le présent règlement de manière à pouvoir se procurer des recettes additionnelles destinées à financer les dépenses d’utilité générale auxquelles la commune doit faire face. »

Cela revient au même et cela ne justifie pas que ce soit justement le co-living qui soit taxé.

Cependant le règlement ajoute : « Considérant que la mise en location de logements sous forme de coliving entraine une augmentation locale de la densité de la population ; Considérant que l’offre de logements génère des dépenses supplémentaires pour la Ville au niveau de la sécurité, de la gestion des déchets et de l’infrastructure, qu’il est donc légitime de financer une partie de ces dépenses par le produit de la taxe ; »

L’augmentation de la densité augmente aussi bien les dépenses structurelles que les recettes à l’additionnel à l’IPP …

Cette justification résistera-t-elle devant le Conseil d’Etat ?

Toujours est-il que si cette taxe (qui me paraît exagérée) entre en vigueur, il faudra :

  • Soit quitter Bruxelles-Ville (ce que l’on fait déjà à cause de la gestion de la mobilité),
  • Soit réunir la propriété du co-living et la gestion du co-living (ce qui nuira aux prestataires de services indépendants),
  • Soit travailler avec un seul bail et un pacte de cohabitation (ce qui est commercialement plus difficile).

D’autres Communes ont adopté des règlements-taxe sur les chambres en prétendant y inclure les co-living.

C’est une réaction au fait qu’elles ont enfin compris qu’elles ne peuvent pas efficacement réguler le secteur en utilisant l’outil urbanistique.

En tout cas jusqu’au nouveau RRU (2024 ?) qui contient, on le verra, des dispositions pénalisantes (notamment l’augmentation de la superficie de plancher nette d’un logement en fonction du nombre de chambres qui le composent et avec des écarts plus importants entre la 6ème et la 7ème chambres et la 10ème et la 11ème chambres, la limite de 15 chambres par logement, etc.).

La photo : un immeuble à appartements que l’on doit à Adrien Blomme (1936), rue Meyerbeer 126 à Uccle, de style Moderniste, influence hollandaise. Il s’agissait d’un investissement par l’industriel Gosset (tabac Van der Elst). Les plans de l’immeuble ont irrité l’urbanisme à l’époque, du fait de la rupture d’alignement avec le tracé du bâti de la voirie, par retrait en chevron concave. Finalement Adrien Blomme eut gain de cause et cet effet architectural contribua à apporter davantage de lumière dans les appartements grâce aux fenêtres supplémentaires permises par ce plan original (source www.admirable-facades.brussels).

126 Meyerbeer

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