Skip to content

Gilles Carnoy logo Carnet de route en Droit Immobilier

Carnoy & Braeckeveldt, avocats de l’immobilier à Bruxelles

Le mur de soutènement

L’article 3.105 du nouveau Code civil traite de la preuve de la mitoyenneté.

Il crée, ou plutôt confirme, la présomption de mitoyenneté du mur ou de la clôture réalisée en limite séparative ou à cheval sur la ligne séparative.

Cette présomption ne s’applique pas au mur de soutènement. En effet, l’article 3.105 précise :

« Sauf prescription acquisitive ou titre contraire, un mur de soutènement sur lequel le voisin n’exerce aucun droit est présumé privatif au propriétaire du fonds dont il soutient les terres. »

C’est important car les murs de soutènement sont ceux qui souffrent le plus étant soumis à des poussées. Et ce sont aussi les murs les plus onéreux à réparer.

La question de savoir qui va assumer les frais dépend de savoir si le mur est privatif ou mitoyen.

La présomption de mitoyenneté du mur séparatif existait déjà dans l’article 653 de l’ancien Code civil.

Cette présomption légale de mitoyenneté, à défaut de titre ou de marque contraire, est de stricte interprétation et repose sur le principe qu’il existe une utilité commune de voisinage.

Cela signifie que traditionnellement, on considérait que la présomption de mitoyenneté ne s’applique pas si le mur sert uniquement à retenir les terres du fond supérieur.

En ce cas, sa fonction n’est pas de clôturer ou séparer les fonds.

S’agissant d’un appareil de soutien et non de séparation ou de clôture, un tel mur est présumé être l’accessoire de la propriété la plus haute.

La doctrine et la jurisprudence étaient unanimes à ce sujet (M. Burton, « Mitoyenneté », Rép. not., T.II, Les biens, Livre 8, Bruxelles, Larcier, 1998, n° 95 ; J. Hansenne, R.C.J.B., 1984, p. 129, n° 65 ; Liège 20 avril 2003, J.T., 2004, p.32).

C’est exactement le dispositif retenu par le nouveau livre 3 du Code civil.

Cela ne doit pas nous faire oublier que la présomption de propriété du mur de soutien peut, elle aussi, être renversée.

C’est ce que nous explique un jugement inédit du tribunal de première instance francophone de Bruxelles du 24 novembre 2020 (5ième chambre, rôle n° 16/3337/A).

Le tribunal constate qu’à l’origine, et l’on parle du début du siècle passé, les jardins de l’avenue concernée avaient été nivelés lors des constructions pour réduire la pente naturelle du terrain.

Cela avait créé un décalage important de niveau d’où la construction par chaque propriétaire de murs de soutien des terres en fond de leur parcelle.

En d’autres termes, il faut tenir compte du contexte historique, et voir qui a créé la situation de soutènement.

Si le fonds aujourd’hui inférieur a été arasé et si l’on a repoussé les terres pour y disposer d’un terrain plat, c’est le propriétaire de ce fonds qui a crée, à l’époque, la cause de soutènement.

Le mur n’était alors pas un accessoire du fonds devenu supérieur mais bien du fonds inférieur.

Il suit de cela que la propriété de ce mur suit celle du fonds arasé. C’est alors le propriétaire de ce fonds qui doit entretenir et réparer son mur privatif.

Ce raisonnement du tribunal est-il satisfaisant ?

Il ne faut pas oublier que l’article 3.105, tout comme l’article 653, traite seulement de la preuve de la mitoyenneté.

Le caractère de soutènement écarte la présomption de mitoyenneté et crée une présomption de mur privatif.

Si l’on écarte cette présomption de mur privatif, du fait de l’aménagement originaire des lieux, on devrait revenir à la première présomption, de mitoyenneté !

Et cette présomption peut à son tour être renversée, dans le nouveau droit, au profit du propriétaire du fonds « du côté duquel il existe des éléments architecturaux attestant de son caractère privatif. »    

En réalité, le tribunal a quitté le domaine de la preuve de la mitoyenneté pour s’engager dans la preuve de la propriété.

En supposant que le constructeur qui a rendu son terrain plat en repoussant ses terres vers le fonds supérieur, a bien dû construire un mur pour les contenir, le tribunal retient dans son chef une présomption de propriété.  

Il est vrai que la preuve de la propriété peut être apportée par tous modes de preuve, même des indices matériels, dit l’article 3.52.

En ce sens, la décision du tribunal se justifie.

Par ailleurs, tout cela ne doit pas nous faire oublier qu’en la matière, il faut d’abord vérifier si la mitoyenneté est établie par titre, ce qui est rare, ou par prescription.

Enfin, les règles en matière de responsabilité ont aussi leur mot à dire pour désigner celui qui doit réparer le mur.

Le mur peut en effet présenter d’inquiétantes dispositions à s’écrouler s’il fait l’objet de poussées résultant du système racinaire d’arbres non entretenus.

L’absence de drain ou d’évacuation des eaux peut fragiliser le mur.

Il se peut que l’un et/ou l’autre des voisins commette une négligence aggravant la situation.

Il n’y a donc pas que les règles de mitoyenneté qui désignent le propriétaire qui devra réparer le mur.

La photo : un autre immeuble construit pour CIB par l’architecte Louis Tenaerts (1394) dans l’avenue Coghen à Uccle (n° 68). J’ai déjà parlé de cet architecte et de cette belle avenue dans l’article précédent. Voyez aussi le merveilleux site www.admirable-facades.brussels. L’escalier intérieur est fabuleux (voyez https://louistenaerts.brussels/fr/catalogue/avenue-coghen-68-uccle). Il reçoit de la lumière d’un vitrail vertical dont les motifs sont rappel de l’Art Déco finissant à cette époque. Du même architecte voyez également les numéros 28, 40, 42 et 68 de l’avenue Coghen.

Coghen 68

Commentaires

facebook comments:

Pas encore de commentaire

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

close