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Carnoy & Braeckeveldt, avocats de l’immobilier à Bruxelles

TVA : du changement pour les locations meublées à partir du 1er juillet 2022

La loi du 27 décembre 2021 portant des dispositions diverses en matière de taxe sur la valeur ajoutée modifie le Code TVA en matière de locations de logements meublées.

Le nouveau texte entre en vigueur ce 1er juillet 2022.

L’article 44, § 3, 2°, a), troisième tiret, du Code TVA disposera désormais :

« Sont encore exemptés de la taxe : (…) 2° l’affermage et la location de biens immeubles par nature, à l’exception : a) des prestations de services suivantes : (…) – la fourniture, pour une durée inférieure à trois mois, de logements meublés dans les hôtels et les motels et dans les établissements ayant une fonction similaire où sont hébergés habituellement pour une durée inférieure à trois mois des hôtes payants à moins que ces établissements ne rendent aucun des services connexes suivants: assurer la réception physique des hôtes, la mise à disposition du linge de maison et, lorsque les logements meublés sont fournis pour une période de plus d’une semaine, le remplacement de ce linge de maison au moins une fois par semaine et la fourniture quotidienne du petit-déjeuner, par l’exploitant du logement ou par un tiers pour son compte ». 

Avant ce changement, l’exception à l’exemption visait moins précisément « la fourniture de logements meublés dans les hôtels, motels et établissements où sont hébergés des hôtes payants ».

Via circulaires[1], confirmées par des réponses à des questions parlementaires[2], la distinction entre le logement meublé taxé et le logement meublé exempté était réalisée comme suit : une mise à disposition de logement meublée était taxée si, pour un prix global, 1° un accueil physique des hôtes était réalisé pendant une bonne partie de la journée et 2° l’exploitant prestait au moins, soit un service de nettoyage régulier, soit de fourniture et remplacement du linge de maison ou soit le petit déjeuner.

Ces critères, bien qu’uniquement repris dans la position administrative et n’ayant donc pas force obligatoire, avaient été assimilés dans la pratique.

Pourquoi le législateur est-il intervenu ?

Le législateur (il ne s’en cache pas) a voulu s’attaquer à une décision anticipée n° 2020.1867 du 6 octobre 2020.

Par cette décision, le SDA reconnaît la possibilité d’appliquer la TVA sur la location de kots étudiants avec services ; le propriétaire bailleur pouvait en conséquence déduire la TVA grevant le coût de construction desdits kots.

Cette perspective heurta certains parlementaires qui décidèrent de modifier le Code TVA en vue de faire appliquer l’exemption de TVA aux kots étudiants.

La première mouture, introduite par amendement à une loi du 27 juin 2021[3] finalement non adopté[4], visait simplement à exclure textuellement de la taxation les logements meublés « où sont habituellement hébergés des étudiants ».

Le Conseil d’Etat souligna à juste titre qu’eu égard au texte de la directive TVA en matière de location de logements meublés et à la jurisprudence de la Cour de Justice, la marge d’appréciation des Etats ne pouvait aller jusqu’à exclure d’office de la taxation tous types de mise à disposition de logements à des étudiants[5].

C’est la raison pour laquelle le législateur a introduit un critère quantitatif : sont, potentiellement, seules visées par la taxation les mises à disposition de logements meublées dont la durée n’excède pas trois mois.

La Cour de Justice a déjà indiqué qu’un tel critère fondé sur la durée est conforme à la directive[6].

Comment interpréter cette nouvelle disposition ?

Premièrement, il convient d’examiner ce nouveau critère quantitatif de trois mois : qu’il s’agisse d’un hôtel, motel ou hébergement meublé, dès que le délai de trois mois est dépassé, il y a exemption de la TVA[7].

Pour le calcul de ce délai, il y a lieu de compter « de quantième à veille de quantième, moins un jour »[8].

Deuxièmement, s’il y a location pour moins de trois mois, il y a lieu de distinguer entre, d’une part les hôtels et motels, d’autre part les hébergements meublés[9].

Les premiers sont réputés d’office fournir des services, les seconds doivent par contre démontrer offrir un service connexe (critère qualitatif) [10] :

  • Soit l’accueil physique, lequel n’exige pas un desk d’accueil mais ne peut se limiter à un accueil téléphonique ou une remise des clés : l’important est une présence humaine pendant une bonne partie de la journée ;
  • Soit la mise à disposition du linge de maison (étant le linge de lit ou de toilette) à l’arrivée avec remplacement au moins une fois par semaine pour les séjours de plus d’une semaine ;
  • Soit la fourniture quotidienne du petit-déjeuner.

A noter qu’il n’est pas nécessaire que le service connexe soit compris dans un prix global. Il peut être offert moyennant supplément de prix, mais il faut néanmoins que le service soit payé par le client, sans quoi il n’y a pas de taxation[11].

Troisièmement, en ce qui concerne les hébergements meublés, il faut encore examiner s’il s’agit bien d’ « établissements (…) où sont hébergés habituellement pour une durée inférieure à trois mois des hôtes ».

Ainsi, une résidence dans laquelle, habituellement, les séjours sont d’une durée supérieure à trois mois, devra continuer à appliquer l’exemption de TVA si, exceptionnellement, un séjour a une durée inférieure à trois mois[12].

Pour apprécier le critère d’habitude, l’administration examinera la proportion de chiffre d’affaire provenant des locations de moins de trois par rapport au location de plus de trois mois : la taxation ne s’applique que si les locations de moins de trois mois représentent plus de 50 % du chiffre d’affaire[13].

Il est bienvenu que le législateur ait intégré des critères clairs directement dans le Code TVA afin de distinguer les locations meublées taxées des locations meublées exemptées.

Cependant, un secteur d’activité particulier semble avoir été oublié par le législateur dans sa contre-attaque contre les locations de kots assujetties à TVA : celui des apparts-hôtels. Le législateur n’y fait aucune allusion dans les travaux préparatoires.

Dans ce secteur, il n’est pas rare que le délai de séjour soit supérieur à trois mois.

Il y a donc fort à parier que certains acteurs du secteur qui appliquaient la TVA sur le séjour devront dorénavant exempter certaines mises en location, et qu’ils perdront en conséquence une partie de leur droit à déduction de la TVA.

C’est une très mauvaise nouvelle pour les opérateurs d’appart-hôtels. Pour préserver ce secteur d’activité, sans doute un délai plus long eut-il été plus opportun.

Notons enfin que, si l’entrée en vigueur est fixée au 1er juillet 2022, l’administration met en place une tolérance administrative : ces nouvelles règles devront être appliquées aux séjours réservés ou prolongés après le 1er juillet 2022.

La photo : Maison Rombaut-Deplus, avenue Armand Huysmans 196 à Ixelles (André Jacqmain et Jules Wabbes, architecte et décorateur, 1959). La façade est animée par les lignes brisées des trois balcons de plan triangulaire asymétrique avec , au dernier niveau, des plans triangulaires dans-œuvre inversés.


[1] Circulaire n°4 du 12.01.1973 ; Circulaire n° 17 du 08.08.1994.

[2] Question parlementaire n° 768 de M. Fournaux du 02.05.2005, Questions et Réponses, Chambre, 2004-2005, n° 083, p. 14248-14250 ; Question parlementaire n° 1865 de Mme Nyssens du 04.02.2002, Questions et Réponses, Sénat, 2001-2002, n° 2-56, p. 3083-3084.

[3] Loi du 27 juin 2021 portant des dispositions diverses en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; amendement du 3 mai 2021, DOC 55 1943/002.

[4] Notons que le Commentaire TVA, dans sa mise à jour du 15 juin 2021, avait anticipé cette modification en l’intégrant, avant même le vote de la loi du 27 juin 2021.

[5] Avis du Conseil d’Etat n° 69.542/3 du 9 juillet 2021.

[6] CJUE, arrêt du 12 février 1998, Blasi, C-346/95.

[7] Projet de loi portant des dispositions diverses en matière de taxe sur la valeur ajoutée, Doc. Parl., Chambre, 2021-2022, n°55-2279, p. 17 ; FAQ (point n° 16) publié le 15 juin 2022 disponible sur https://finances.belgium.be/sites/default/files/downloads/123-fourniture-logements-meubles-taxation-tva.pdf.

[8] FAQ, point 14.

[9] FAQ, point 3.

[10] FAQ, points 19 à 28 ;

[11] FAQ, point 4.

[12] Projet de loi portant des dispositions diverses en matière de taxe sur la valeur ajoutée, Doc. Parl., Chambre, 2021-2022, n°55-2279, p. 16. 

[13] FAQ, point 18.

A. Huysmans 196

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