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Carnoy & Braeckeveldt, avocats de l’immobilier à Bruxelles

La DLU quater

La loi du 21 juillet 2016, en vigueur depuis le 1er août 2016, instaure la DLU quater qui, contrairement à ses trois grandes sœurs, est destinée à être permanente.

  1. Historique des DLU

Les DLU ont pour but de conférer une amnistie fiscale et pénale aux fraudeurs repentis. Cette rédemption s’effectue tout simplement par une déclaration unique reprenant l’ensemble des sommes non déclarées.

Sans entrer dans les détails, les DLU successives s’opéraient comme suit.

La DLU (loi du 31 décembre 2003) visait les personnes physiques et leur permettait de régulariser leur situation durant toute l’année 2004 en déclarant les éléments n’ayant été repris dans une déclaration obligatoire (IPP, enregistrement, succession). Un prélèvement unique au taux de 9% (6% à certaines conditions) trouvait à s’appliquer.

Le DLU bis (loi du 27 décembre 2005) est plus sévère, sans l’être excessivement. Elle s’appliquait tant aux personnes physiques qu’aux sociétés. Les revenus visés par le CIR et la TVA pouvaient être régularisés. La règle était assez simple : une taxation au régime d’imposition qui eut été appliqué si les éléments repris avaient été déclarés en temps et en heure. Les revenus mobiliers faisaient néanmoins l’objet d’une amende de 0, 5 ou 10% selon que la DLU était introduite avant le 1er juillet 2006, avant le 1er janvier 2007 ou après cette date. Cette DLU avait une vocation perpétuelle puisque son texte ne prévoyait pas d’échéance.

La DLU ter (loi du 11 juillet 2013) n’est pas une nouvelle DLU en tant que telle mais apporte des modifications substantielles à la DLU bis dans un double objectif : durcir le régime d’imposition applicable aux revenus déclarés à partir du 15 juillet 2013 et mettre un terme aux possibilités de régularisations le 31 décembre 2013.

Elle contient quelques prémisses de la future (mais encore impensée) DLU quater :

  • Elle s’applique à tout type d’impôts, y compris les impôts régionaux, ce qui conduira les Régions à saisir la Cour constitutionnelle ;
  • Elle distingue entre fraude simple non prescrite (impôt éludé + 15%), fraude grave non prescrite (impôt éludé + 20%) et fraude grave ou simple prescrite (35% sur le capital) ; la régularisation des capitaux prescrits demeurent cependant un choix pour le déclarant afin de se mettre ou non à l’abris de poursuites pénales afférentes à ces capitaux ;
  • Elle impose une obligation d’explication du schéma de fraude.
  1. Principe

Comment fonctionne cette quatrième (et dernière ?) DLU ?

Elle a vocation à s’appliquer à aux revenus (professionnels, mobiliers, immobiliers et divers), à la TVA, aux droits d’enregistrement fédéraux (du moins jusqu’à la conclusion d’un accord de coopération incluant les Régions) et aux cotisations sociales des travailleurs indépendants (non abordé).

Les revenus à régulariser sont soumis à l’impôt majoré de 20% qui aurait dû être appliqué en fonction de la période imposable d’obtention desdits revenus.

Les sommes (pour droits d’enregistrements) sont elles aussi soumises à l’impôt majoré de 20% qui aurait dû être appliqué à l’époque à laquelle elles ont été recueillies.

Enfin, le même principe s’applique en ce qui concerne la TVA : les opérations TVA subissent la TVA majorée de 20% qui aurait été d’application au moment de leur fait générateur. La taxe est des 20 points sauf si les opérations en cause concernent déjà des revenus régularisés.

Les capitaux prescrits (présents dans une assurance-vie, un compte à l’étranger ou une construction juridique) sont soumis à un prélèvement au taux de 36%.

L’intérêt de régulariser sa situation fiscale est, comme toujours, que le contribuable ne devra plus craindre ni des enquêtes fiscales quant à ces sommes, ni des poursuites pénales du chef de fraude fiscale et du blanchiment afférent à cette fraude.

  1. Condition spéciale

En pratique, pour pouvoir effectuer sa déclaration-régularisation, le contribuable doit se mettre à nu, c’est-à-dire régulariser tout élément même fiscalement prescrit. Là où le déclarant avait pour ainsi dire un choix au moment de la DLU ter, cette mise à nu constitue désormais une condition sine qua non.

En effet, il doit (1) démontrer dans sa déclaration par un écrit[1] que les revenus, sommes, opérations TVA et capitaux fiscalement prescrits ont été soumis à leur régime fiscal ordinaire. (2) La portion de cet « argent » dont la propreté fiscale n’aura pas été démontrée doit être régularisée. (3) Et, pour régulariser ces éléments prescrits n’ayant pas subi leur régime normal de taxation, le déclarant doit démontrer par un écrit le régime fiscal que ces différents éléments auraient dus subir.

Avec cette condition spéciale, hormis le fait qu’il doit déclarer tout son patrimoine, le contribuable qui veut régulariser sa situation plus de 3 ou 7 ans (selon qu’il ait ou non fraudé, 10 ans pour les droits d’enregistrement) après son absence de déclaration (complète), et qui n’aurait pas conservé des écrits quant à l’origine des fonds composant son patrimoine, se retrouvera dans l’impossibilité de régulariser la situation fiscale des éléments prescrits.

Sur le principe, la déclaration doit nettoyer complètement la situation fiscale du déclarant. Faut-il dès lors considérer que faute de démontrer par un écrit le régime de taxation applicable aux éléments prescrits, une DLU sur le reste des éléments n’est pas possible ?

Ce n’est pas ce que dit le texte, puisqu’il ne vise que l’impossibilité de régulariser les seuls éléments prescrits pour lesquels le régime fiscal applicable n’est pas démontré.

Néanmoins, le contribuable qui sait qu’il sera dans l’impossibilité de démontrer l’origine (et donc le régime fiscal) des éléments composant son patrimoine ne prendra sans doute pas le risque d’introduire une DLU car il s’expose à des poursuites pénales pour la portion de capital non justifiée. Ce risque existe même s’il est « clean » quant aux composantes anciennes de son patrimoine mais qu’il aura échoué à démontrer par écrit que le régime fiscal ordinaire leur a été appliqué. Cela dit, si poursuite pénale il doit y avoir, la charge de la preuve d’une fraude repose alors sur l’Etat.

Par ailleurs, d’un point de vue très programmatique, les condamnations en matière de fraude fiscale s’élevaient en 2015 à 210, 357 si sont pris en compte les fraudes fiscales perpétrées grâce à un faux en écriture, soit 0,1 à 0,17% du total des infractions condamnées sur le Royaume. Pour un ordre d’idée, le meurtre représente à lui seul 0,11% des condamnations, 3,78% si sont comptabilisés tous les types de violence aux personnes. Or, j’ose espérer que la fraude fiscale est plus courante que les infractions les plus ignobles.

Dès lors, étant donné que seules les fraudes fiscales les plus courantes sont poursuivies, il semble que malgré cette impossibilité de régulariser tout ou partie des éléments prescrits, une régularisation peut être tentée même si elle dévoile par la même une fraude qui ne sera pas couverte par la régularisation.

Cette conception ne s’avère cependant juste que si le SDA applique le texte à la lettre, c’est-à-dire en acceptant de régulariser seulement une partie des éléments déclarés plutôt que de fermer la porte à la régularisation d’un quelconque élément du patrimoine dès que le régime fiscal applicable à une partie de celui-ci n’est pas démontré.

L’interprétation ici développée aboutit cependant à un paradoxe : le déclarant qui ne parvient pas à démontrer le régime fiscal applicable à une partie de son patrimoine se retrouve dans une situation plus favorable (bien qu’il s’expose potentiellement à des poursuites pénales) que le déclarant qui parvient à exposer le régime applicable à tout son patrimoine. En effet, pour la partie prescrite, ce dernier se verra appliquer le taux de 36%, alors que le premier voit sa situation partiellement non régularisée mais ne doit donc pas payer d’impôts quant à celle-ci. La diligence et la sévérité des autorités judiciaires est donc la clé nécessaire pour mettre fin à ce paradoxe.

  1. Intérêt financier et risque pénal

Outre la condition spéciale évoqué, l’intérêt strictement financier de régulariser sa situation est tout relatif.

Si, certes, il apparaît moralement légitime que les fraudeurs soient imposés plus lourdement que le contribuable en règle, la lourdeur des impositions prévues par cette dernière DLU est de nature à refroidir les volontés d’amnistie des fraudeurs les plus patentés.

Majoré de 20 points l’impôt applicable peut aboutir à des taux presque confiscatoires.

Par exemple, en cas de fraude fiscale simple :

  • Une personne physique n’ayant pas déclarés des revenus professionnels subira, outre la TVA applicable, un impôt marginal potentiel de 70%. Cependant en cas de contrôle fiscal, l’impôt marginal serait probablement de 75% (50% + accroissement de 50% sur l’impôt calculé) ;
  • Pour les revenus mobiliers, l’intérêt financier est inexistant puisque la DLU aboutit à un taux de 45% là où un contrôle donnerait un impôt de 37,5% (25% + 50% d’accroissement) ;
  • En matière d’Isoc, l’intérêt financier est faible lui aussi puisque la DLU engendre un impôt de 53,99% contre 51% en cas de contrôle ;
  • En matière de TVA, la DLU offre 41% contre 42% en cas de contrôle ; A noter que la DLU retrouve tout son intérêt lorsque la fraude TVA est combinée à une fraude Isoc ou IPP car la majoration de TVA de 20% disparaît ;

Pour rappel, la loi du 20 septembre 2012 dite « una via », telle que partiellement annulée par la Cour constitutionnelle (arrêt n°61/2014 du 3 avril 2014) oblige l’administration fiscale et le parquet à se concerter pour faire un choix entre entamer des poursuites pénales ou infliger un accroissement d’impôts. Le non-lieu du parquet ne peut avoir pour effet de rendre à nouveau exigibles l’accroissement.

Par ailleurs, les capitaux prescrits dont le régime d’imposition est démontré subiront un impôt de 36%, contre un impôt nul (étant donné la prescription) en cas de contrôle fiscal et une exposition relativement faible (voy. statistiques) à une condamnation pénale.

  1. Conclusion

La DLU possède un intérêt (financier) pour :

  • Les contribuables auteurs de fraude fiscale grave capables de déterminer le régime fiscal applicable à leurs revenus, même prescrits : ceci est dû au fait que les accroissements vont de 100% à 200% dans cette hypothèse et que, nécessairement, le risque de poursuites pénales augmente ;
  • Les contribuables auteurs de fraudes TVA combinées à une fraude IPP ou Isoc ; Attention néanmoins au fait d’être capable de démontrer que les capitaux prescrits ont été soumis à leur régime d’imposition ordinaire ;
  • Les contribuables à l’IPP dont le taux moyen d’imposition, avec majoration des 20%, est supérieur à 40% pour un exercice donné ; Attention néanmoins au fait d’être capable de démontrer que les capitaux prescrits ont été soumis à leur régime d’imposition ordinaire ;

Pour les autres situations, la tranquillité d’esprit procurée par la certitude de ne pas s’exposer à des poursuites pénales n’a bien entendu pas de prix.

Demeure la question de l’interprétation qui sera donné in fine à la condition spéciale : est-il possible de régulariser seulement la partie des revenus prescrits dont le contribuable sait démontrer le régime fiscal applicable ?

La photo : une belle façade à Auderghem.

[1] Il s’agit davantage de l’obligation d’apporter un commencement de preuve par écrit car l’écrit produit peut être complété par des éléments de preuve tirés du droit commun, hormis le serment et le témoignage.

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