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Carnoy & Braeckeveldt, avocats de l’immobilier à Bruxelles

Un permis d’urbanisme pour du coliving à Bruxelles : fausse alerte ?

Un nouvel arrêté, relatif aux changements d’utilisation soumis à permis d’urbanisme, a été pris par le Gouvernement bruxellois le 15 mai 2024.

Le texte, fraichement publié au Moniteur Belge (le 21 juin 2024), remplace le précédent arrêté du 12 décembre 2002 en la matière.

Ce dernier sera abrogé au jour de l’entrée en vigueur du nouvel arrêté (à savoir le 1er septembre 2024, sauf en ce qui concerne le coliving — nous y reviendrons).

À la lecture de la version publiée (supposée définitive), en préambule, plusieurs considérants expliquent la nécessiter d’encadrer le phénomène du coliving vu les problématiques qu’il génère en milieu urbain, à Bruxelles, surtout lorsqu’il n’est pas de qualité :

« Qu’il convient de constater que l’occupation unifamiliale, qui suppose une certaine intimité ou proximité entre occupants, ne constitue plus la seule utilisation des logements situés sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale ; que, compte tenu de l’évolution démographique et du coût de se loger dans la Région, de plus en plus de logements accueillent davantage d’occupants qui n’entretiennent pas nécessairement ce type de relations, de telle manière qu’ils font l’objet d’une nouvelle utilisation se caractérisant par la présence de locaux de jouissance exclusive et de locaux ou espaces partagés entre les occupants;

Que cette nouvelle utilisation, si elle répond à certaines conditions, renvoie à la notion de « logement coliving », dont le développement participe à la densification du bâti existant dans des quartiers résidentiels mais également à la spéculation immobilière en Région de Bruxelles-Capitale ; qu’en outre, la transformation de maisons ou d’hôtels de maître – par le cloisonnement des espaces – nuit, dans certains cas, à la conservation d’éléments architecturaux intérieurs présentant un intérêt d’ordre patrimonial ou rompt la perception globale de ceux-ci ;

Que l’encadrement du logement coliving nécessite néanmoins la mise en place d’un système d’agrément dont les conditions et modalités sont encore à définir par le Gouvernement ; qu’en conséquence, le présent arrêté prévoit que l’article 2, 2° entrera en vigueur à une date ultérieure à déterminer ; »

Est soumis à permis d’urbanisme « dans toutes les zones du Plan régional d’affectation du sol » (donc sur tout le territoire bruxellois), « le changement d’utilisation d’un immeuble ou d’une partie d’immeuble abritant un ou plusieurs logements, en vue d’y créer ou supprimer un logement d’une des rubriques suivantes :

(…) ;

un logement coliving » (art. 2).

Donc un permis d’urbanisme sera nécessaire dès qu’on aménage un coliving dans un ou plusieurs logements (un immeuble de rapport, une maison, un duplex ou un appartement par exemple).

La notion de « coliving » reçoit la définition suivante : « logement destiné à l’habitation de plusieurs personnes, qui y disposent d’un ou de plusieurs espaces privatifs de jouissance exclusive et d’espaces communs collectifs, loué par un bailleur non-occupant pour d’une durée de minimum trois mois et à chaque locataire individuellement (avec un bail individuel) et qui s’accompagne des prestations de services au profit des locataires. Sont exclus les logements soumis au régime de la colocation et les habitats solidaires au sens du Code bruxellois du Logement, les logements étudiants collectifs, les maisons de repos et les établissements d’hébergement collectif ».

Cela amène les observations et commentaires suivants :

  • Le bailleur ne doit pas spécialement être une société de conception et/ou de gestion de coliving, il peut s’agir d’une personne privée ;
  • Le bailleur ne doit pas habiter dans les lieux. Si le bailleur vit dans les lieux, aucun permis ne devra être obtenu ;
  • De prime abord, on pourrait considérer qu’un permis d’urbanisme ne s’impose pas si la location est inférieure à trois mois. Mais attention, dans une telle situation, un permis sera pareillement requis au titre non pas d’un changement d’utilisation mais de destination (de logement à hébergement touristique). En effet, dans l’ordonnance du 1er février 2024 relative à l’hébergement touristique, la notion d’activité d’hébergement touristique est caractérisée entre autres lorsque la durée « n’excède pas 90 jours consécutifs » ;
  • Comme dans certains règlements pris par plusieurs communes bruxelloises pour taxer de manière ciblée le coliving, celui-ci implique la conclusion de contrats individuels. En d’autres termes, un permis ne sera nécessaire que si le bailleur conclut avec chaque occupant un bail. Si le bail est unique (tous les locataires sont identifiés dans le bail) et que l’on procède par « avenant » de remplacement lors de la sortie et de l’entrée d’un locataire, un permis ne devra pas être obtenu ;
  • Un permis d’urbanisme est requis uniquement si le bailleur offre, en plus du logement, des services (service de maintenance et de réparation, un service de nettoyage, un service d’assistance numérique, etc.), qu’il recourt ou non à une société spécialisée. Si l’on installe un coliving sans services, même s’il y a un nombre importants d’occupants et même si l’on fait appel à une société spécialisée pour concevoir et/ou gérer le coliving, un permis ne sera pas nécessaire (du moins pas au titre d’un changement d’utilisation) ;
  • A l’instar de ce qui figure dans certains règlements pris par certaines communes bruxelloises pour taxer le coliving, l’installation d’une colocation au sens du Code bruxellois du Logement échappe à l’exigence de permis d’urbanisme. Cela implique de conclure un bail unique, un pacte de colocation (entre les colocataires, pour formaliser les aspects de la vie en communauté) mais surtout l’existence de relations solidaires entre les colocataires, y compris sur le plan financier. Néanmoins, le fait d’installer une autre forme de colocation, pour autant qu’elle ne réponde pas à la définition du « coliving » renseignée dans l’arrêté, n’est pas soumis à permis ;

Un permis s’impose également lorsqu’on supprime un coliving pour rétablir un autre type de logement, ce qui est un peu absurde. En effet, cela signifie que si l’on rétablit dans les lieux du logement classique, par exemple une maison unifamiliale (utilisation qui précédait celle de coliving), il faudra également demander et obtenir un permis d’urbanisme. Vive la simplification administrative… Sans évoquer la lenteur d’une procédure de demande de permis, son incertitude et les coûts y liés.  

Enfin, la réforme, en ce qu’elle concerne le coliving, n’entrera en vigueur que lorsqu’un système d’ « agrément coliving » sera mis en place (par ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale) et effectif (lorsqu’il entrera en vigueur, selon une date à fixer par le Gouvernement).

Ainsi, il faudra une double autorisation administrative pour réaliser du coliving : se voir délivrer un permis d’urbanisme et disposer d’un agrément, similaire à celui que l’on doit obtenir pour exploiter un hébergement touristique à Bruxelles. Cela fait basculer le coliving dans une police administrative mixte (urbanisme et hébergement touristique ou une nouvelle police administrative à créer).

Si dans les considérants le nouvel arrêté fait mention de la directive européenne « Services », on peut s’interroger sur la conformité de ce nouveau régime d’agrément avec cette directive. En effet, selon le Code de droit économique, qui la transpose, lorsqu’une autorisation est requise pour l’accès à une activité de service et son exercice, il faut entre autres que la nécessité du régime d’autorisation soit justifiée par une « raison impérieuse d’intérêt général », qui semble en l’occurrence faire défaut …

En réalité cet agrément servira surtout à faciliter la perception des taxes (beaucoup trop lourdes) qui frappent l’activité de coliving.

Enfin, ne perdons pas de vue que le projet de nouveau RRU a aussi vocation à encadrer l’activité de coliving, ce qui commence à faire beaucoup. J’ignore si ce projet (Good Living) sera repris par la nouvelle majorité mais il est déjà certain qu’un excès de régulation nuit à la réhabilitation d’immeuble par le coliving.

En tout cas, il est conseillé aux personnes qui ont déjà aménagé un coliving au sens du nouvel arrêté de lui conférer une date certaine — par exemple en enregistrant leurs baux (si ce n’est pas déjà fait) ou par constat d’huissier — avant l’entrée en vigueur de la réforme appliquée au coliving (qui, comme on l’a précisé, est à ce jour inconnue).

En effet, dans une telle situation, l’intéressé pourra invoquer l’antériorité de la situation (principes de non-rétroactivé et de sécurité juridique) pour échapper à une procédure de régularisation urbanistique si celle-ci était demandée par la commune (sauf, évidemment, si des actes et travaux accompagnant l’installation du coliving, soumis à permis, ont été exécutés sans permis : par ex. abattre un mur porteur même de manière partielle, créer une trémie d’escalier, etc.).

N.B. D’après certains renseignements (de source sûre), la version publiée au moniteur belge et faisant référence au coliving serait « erronée » (expression singulière pour un texte légal publié au MB) et sera prochainement supprimée (pour ce qui est du coliving). Le texte actuel, en ce qu’il concerne le coliving, ne devrait donc pas être pris en considération.

Le nouveau pouvoir politique en place ne veut-il plus de cette réforme (il aurait bien raison) ? Suite au prochain numéro.

Si pour les besoins de l’article, vous souhaitez par exemple distinguer la colocation du coliving ou introduire le sujet, je vous invite à parcourir les nombreux articles écrits sur notre blog : https://gillescarnoy.be/?s=coliving

La photo : Brucity, le nouveau centre administratif de la ville de Bruxelles construit pas AR Geal Estate, architecte B2Ai (voyez de meilleures photos sur le site https://b2ai.com/fr/projets/brucity-brussel/). Ce nouveau paradis des fonctionnaires bruxellois fut construit sur l’ancien parking 58. Ce parking avait été construit en 1957 pour recontrer l’afflux de voitures lors de l’expo ’58 (afflux qui n’a jamais eu lieu). On démolit pour cela le Palais d’été dans les Halles de Bruxelles. La conception technique de ce temple de la voiture est remarquable. Elle est due à l’ingénieur Abraham Lipski (poutre Préflex, en acier enveloppé de béton). L’ingénieur a imposé les allées de 15 mètres sans colonnes, ce qui permettait de valoriser le volume des parkings. C’était bien avant Good Move…

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