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Carnoy & Braeckeveldt, avocats de l’immobilier à Bruxelles

La délégation au conseil de copropriété

Il fût un temps où, avant l’adoption en 1994 des premières dispositions impératives régissant les copropriétés, c’était les statuts qui déterminaient librement les règles de fonctionnement de la copropriété.

Dans ce contexte, le conseil de copropriété (à l’époque, « conseil de gérance »), était fréquemment « le souverain du royaume » et l’AG n’était « qu’une chambre d’entérinement »[1]. Cela a changé.

Aujourd’hui, le conseil de copropriété ne dispose que de deux types de missions :

Mission conférée par la loi (3.90, § 1er, du nouveau Code civil) :

Le conseil de copropriété n’a, en réalité, qu’une seule mission légale réelle : veiller à ce que le syndic exécute correctement ses missions, autrement dit superviser la gestion administrative et technique.

Le conseil de copropriété n’a donc aucun pouvoir de décision ni d’initiative dans la gestion de l’ACP et encore moins de représentation.

Missions conférées sur décision de l’AG prise à la majorité des 2/3 des voix (art. 3.90, § 4, du Code civil) :

Le conseil de copropriété peut, en outre, recevoir une mission ou délégation de compétences sur décision de l’AG.

La loi précise qu’ « une mission ou une délégation de compétences de l’assemblée générale ne peut porter que sur des actes expressément déterminés et n’est valable que pour une année ».

La doctrine illustre cette disposition en développant que « le conseil de copropriété peut ainsi se voir déléguer la mission de signer un contrat accepté par l’assemblée générale, de choisir un entrepreneur, etc. »[2]

Quant à l’approche de la jurisprudence, Madame Mostin constate que « La pratique consistant à déléguer au conseil de copropriété de très nombreuses missions est régulièrement sanctionnée par les tribunaux ».

La Justice de paix de Jette a déjà eu l’occasion de juger qu’ « une délégation portant sur les pouvoirs attribués expressément par la loi au syndic ne peut être admise en termes généraux et ne peut porter sur l’exécution de décision de l’assemblée générale et la gestion de fonds »[3].

Il a également été jugé que « doit être annulée, la décision de l’assemblée générale déléguant au conseil de copropriété le soin de finaliser le budget des travaux de rénovation d’un hall, en leur laissant le choix du fournisseur, des coloris et des luminaires. Une telle délégation est contraire au prescrit de l’article 577, § 1er, 1°, c, alinéa 3 du Code civil »[4].

Dans cette affaire, la résolution litigieuse était libellée comme suit :

« L’assemblée vote le principe des travaux de rénovation des halls dans un budget de 2.500 € à intégrer dans les dépenses courantes et délègue au conseil de copropriété le soin de finaliser dans le cadre du budget défini le dossier (choix du fournisseur, choix des coloris et des nouveaux luminaires) ».

Les copropriétaires qui attaquaient la décision votée estimaient que c’est de manière abusive que l’assemblée générale a délégué les travaux de rénovation du hall au conseil de copropriété parce que la loi prévoit que des délégations peuvent être données au conseil de propriété par l’assemblée générale :

  • sous de strictes conditions de majorité et de validité dans le temps;
  • sous réserve des compétences légales du syndic et de l’assemblée générale;
  • à condition que la délégation porte sur des actes expressément déterminés.

Or, relevaient-ils, l’assemblée générale a délégué « la rénovation des halls » en précisant que cela incluait le choix du fournisseur, des coloris et des luminaires.

D’après eux, les actes à accomplir n’étaient donc pas expressément déterminés puisque le choix était laissé au conseil de copropriété.

Ils poursuivaient en rappelant que, parmi les compétences légales de l’assemblée générale, on retrouve (Code civil ancien, art. 577-7, § 1er, 1°, b) « tous travaux affectant les parties communes, à l’exception de ceux qui peuvent être décidés par le syndic ».

Les décisions d’exécuter de travaux sont donc de la compétence de l’assemblée générale. Or, le vote en question laisse le choix au conseil de copropriété.

Le Juge de paix du quatrième canton de Bruxelles a suivi la thèse des copropriétaires et a annulé la résolution.

Cette décision est particulièrement sévère car, dans ce cas d’espèce, la nature des travaux et le budget des travaux étaient bien prédéfinis.

Que retenir de ce qui précède ?

  • Le conseil de copropriété n’a pas le pouvoir de décider de faire exécuter des travaux dans l’immeuble ;
  • Si le conseil de propriété dispose d’un pouvoir d’injonction envers le syndic pour le contraindre à exécuter une décision de l’AG, il ne pourrait, en revanche, exiger de lui qu’il commande des travaux non décidés par l’AG et qui ne sont pas purement conservatoires[5].

La photo : un bel immeuble moderniste avenue de Kersbeek 100 à Forest. L’avenue fut tracée entre 1879 et 1885. Elle porte le nom (ruisseau des cerisiers) d’un affluent du Geleytsbeek ucclois. Il n’y a plus de ruisseau ni de cerisier.


[1] E. Riquier, La copropriété. Les droits et devoirs du copropriétaire, du syndic et de la copropriété, Larcier, p. 112.

[2] E. Riquier, op. cit., p. 115.

[3] J.P. Jette, 12 avril 2006, R.C.D.I., 2007, liv. 2, p. 44.

[4] J.P. Bruxelles (4ème canton), 25 novembre 2011, R.C.D.I., 2014, liv. 2, p. 25.

[5] E. Riquier, op. cit., p. 114.

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