La loi du 31 mai 2017 impose une assurance de la responsabilité civile décennale des entrepreneurs, architectes et autres prestataires du secteur de la construction de travaux immobiliers.
La loi s’applique aux travaux pour lesquels le permis d’urbanisme a été délivré après le 1er juillet 2018 ou, en loi Breyne, aux travaux pour lesquels le permis a été demandé après le 1er juillet 2018.
L’article 5 de la loi dispose que « tout architecte, entrepreneur ou autre prestataire du secteur de la construction dont la responsabilité civile décennale peut être engagée en raison des actes qu’il accomplit sur des habitations situées en Belgique, à titre professionnel ou des actes de ses préposés, est obligatoirement couvert par une assurance » qui couvre la responsabilité civile visée aux articles 1792 et 2270 de l’ancien Code civil.
L’article 12 prévoit que ces intervenants à l’art de bâtir doivent remettre une attestation d’assurance « avant l’entame de tout travail immobilier » au maître de l’ouvrage et à l’architecte.
Ce dernier (l’architecte) doit réclamer cette attestation s’il ne l’a pas reçue.
Un registre des contrats d’assurance obligatoire de la responsabilité civile décennale est créé par l’article 19/1 afin de vérifier l’existence de ces polices.
Avant la loi modificative du 30 juillet 2018, l’attestation d’assurance devait être remise :
- À l’ONSS,
- Au prêteur lorsque les travaux sont financés par un crédit.
Ce n’est plus le cas.
De même, l’attestation ne doit plus être remise au notaire mais ce dernier doit encore s’en soucier.
L’article 12, § 1, alinéa 2, prévoit en effet qu’ « en cas de cession de droits réels avant l’expiration de la période (de dix ans) de couverture de la responsabilité civile décennale, l’acte authentique relatif à la cession de droits réels sur des habitations situées en Belgique ne peut être reçu qu’après consultation par le notaire du registre visé à l’article 19/1. Il est fait mention du résultat de cette consultation dans l’acte. »
La loi ne prévoit pas de sanction à cette obligation.
Le notaire doit donc seulement consulter le registre et mentionner le résultat de sa recherche.
L’Union professionnelle des entreprises d’assurance est le responsable du traitement de la base de données.
C’est Assuralia qui gère la base de données DATASSUR (voy. H. de Rode, « Les assurances obligatoires dans le domaine de la construction : état des lieux », CUP, Actualité en droit de la construction, vol. 202, Anthemis, Liège, 2020, p. 364).
L’AR d’exécution n’a pas été adopté, du moins pas à ma connaissance.
Avant la loi modificative du 30 juillet 2018 (art. 99), le rôle du notaire était beaucoup plus important.
Il était en effet prévu que « le notaire s’assure que le titulaire du droit réel transmet l’attestation d’assurance à l’acquéreur. »
Cela faisait de l’attestation d’assurance un accessoire légal du bien vendu, qui devait être délivré avec le bien (art. 1615 de l’ancien Code civil), au même titre que le permis d’urbanisme, le DIU et le certificat de conformité électrique.
Le notaire était investi d’une obligation de vérification de ce que l’attestation soit bien délivrée à l’acte, ce qui faisait penser au rôle que la loi a donné au notaire dans la loi Breyne, l’article 13, alinéa 4 disposant que « l’acte authentique doit mentionner que toutes les prescriptions des articles 7 et 12 de la présente loi ont été respectées. »
Ce n’est plus le cas aujourd’hui, la loi ayant été (rapidement) modifiée pour alléger le rôle du notaire.
Celui-ci doit faire une recherche dans Datassur et en mentionner le résultat mais il ne doit plus s’assurer de ce que le vendeur remette l’attestation d’assurance.
D’ailleurs dans la vente publique, celui qui requiert la vente est simplement tenu de mentionner s’il a connaissance de l’existence d’une assurance de responsabilité décennale.
La situation relative à l’attestation d’assurance décennale est donc très différente de la vérification de régularité imposée au notaire par la loi Breyne par la réforme de 1993.
Qu’en est-il alors de la vente lorsque le notaire constate dans le registre des assurances décennales que la police fait défaut alors qu’elle aurait dû être souscrite ?
Comme le dit Monsieur Kohl (« Loi Breyne », Rép. not., T. VII, La vente, Livre 6, Bruxelles, Larcier, 2022, n° 503), « le non-respect de l’obligation d’assurance ne permet pas au notaire de refuser de prêter son ministère en vue de la passation de l’acte authentique, en arguant du caractère illicite de la vente. En effet, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, telle qu’elle a été consacrée à l’article 5.51 du Code civil, une convention n’a un objet illicite que si elle oblige à une prestation interdite par une loi d’ordre public ou contraire aux bonnes mœurs. Tel n’est pas le cas de la convention qui organise la cession d’un immeuble sur lequel ont porté des travaux entrainant une obligation d’assurance. La vente de l’immeuble est, en elle-même, sans influence sur le respect de l’obligation d’assurance. Bien entendu, l’acquéreur demeure en revanche en droit d’exiger que les intervenants concernés se mettent en conformité avec leur obligation d’assurance Le notaire veillera, le cas échéant, à attirer son attention sur ce point. »
En d’autres termes, le notaire ne peut pas invoquer un devoir de constat de validité pour s’opposer à la réitération de la vente en forme authentique.
Il ne peut pas davantage invoquer le caractère illicite de la vente qui lui aurait permis d’invoquer l’article 3, 4°, du Code de déontologie qui dispose que le notaire doit refuser son ministère « lorsqu’il ne pourrait recevoir l’acte sans contrevenir aux obligations qui lui incombent en vertu de la loi ou du présent Code de déontologie. »
Mais le devoir de conseil impartial du notaire doit l’amener à complètement informer les deux parties de la méconnaissance de la loi et des droits de l’acquéreur.
Ce dernier peut alors renoncer à l’assurance.
Selon les principes applicables à l’acte confirmatif régi par l’article 5.61 en matière de nullité, il faut alors que l’acheteur ait connaissance de la disposition impérative violée et de son droit d’exiger du vendeur une mesure de réparation.
À cet égard, l’article 13 permet de palier le défaut d’assurance par un cautionnement.
Mais encore faut-il que le vendeur soit responsable de la situation.
Il ne faut pas oublier que la loi s’applique ratione personae à l’entrepreneur, à l’architecte et aux autres prestataires du secteur de la construction, cette dernière catégorie excluant (art. 2, 3°) le promoteur immobilier (sauf s’il est lui-même l’entrepreneur).
Si le vendeur n’entre pas dans l’une de ces catégories, il n’est pas soumis à l’obligation de souscrire et enregistrer une police de responsabilité décennale.
On relèvera toutefois que l’article 12, § 1er, alinéa 1er, de la loi prévoit qu’avant l’entame des travaux, l’entrepreneur remet une attestation d’assurance au maître de l’ouvrage et à l’architecte, ce dernier « réclame cette attestation le cas échéant ».
L’architecte sera donc de toute façon responsable car il a l’obligation de réclamer l’attestation et prend nécessairement conscience du risque lorsqu’il ne la reçoit pas.
Mais cela n’affecte pas vente.
En revanche, le vendeur – maître de l’ouvrage qui n’est pas un professionnel avisé n’engage pas nécessairement sa responsabilité envers les acquéreurs et sous-acquéreurs, s’il ne reçoit pas l’attestation.
Bref, l’assurance de responsabilité décennale présente un caracrtère propter rem. Elle passe entre les mains de l’acquéreur et lui profite.
Seul le vendeur constructeur ou professionnel engage sa responsabilité s’il ne veille pas à ce que l’entrepreneur souscrive une assurance de responsabilité décennale qui profitera à l’acquéreur.
Même si le registre ne renseigne pas d’assurance « décennale », le notaire peut passer l’acte en informant les parties.
Le notaire qui constate que le bien n’a pas encore dix ans doit vérifier la base de données. Bien peu le font. Il faut dire que s’il n’y a pas d’assurance, le mal est déjà fait, le notaire n’y est pour rien.
La photo : la Stadshal van Gent, structure polyvalente construite dans le centre historique de Gand sur la Poeljemarkt (Paul Robbrecht, Hilde Daem et Marie-José Van Hee, 2012). Cette construction moderne et incongrue à cet endroit est particuièrement laide et occulte la façade de l’hôtel de Ville qui, elle, est particulièrement belle.
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