Le fichier des saisies partait d’une bonne idée : informer les autres créanciers éventuels pour leur permettre de recoller, comme ont dit, à la saisie (articles 1389bis/1 à 1391/1 du Code judiciaire).
Cet outil d’information visait une économie procédurale, ne pas multiplier les saisies et réunir les créanciers dans la première.
C’était en 2000 et, depuis, les choses ont évolué vu l’appétit grandissant du législateur, sinon de la société, pour ficher les gens.
La loi 26 décembre 2022 est publié au Moniteur belge du 30 décembre 2022. Elle ajoute un signalement au fichier des saisies.
Désormais l’huissier de justice qui signifie un commandement de déguerpir à un locataire doit mentionner, entre autres choses, l’identité du locataire au fichier des saisies.
Pourquoi ficher les locataire expulsés ?
Certes le fichier n’est pas accessible au public, mais seulement aux avocats autorisés par leur Ordre, aux huissiers de justice, aux agents du fisc, aux notaires autorisés par la Fédération, aux médiateurs de dettes et aux magistrats et greffiers.
Tout cela évidemment, pour l’accomplissement de leurs missions légales, rassurez-vous (art. 1391).
Certes la loi a prévu un Comité de gestion et de surveillance du fichier central, auprès du SPF Justice.
Et c’est la Chambre nationale des huissiers de justice qui est responsable du traitement des données.
Donc l’utilisation du fichier est encadrée. D’accord, c’est très bien ainsi.
Mais tout cela n’explique pas pourquoi il faut identifier dans un fichier des saisies, les locataires ou occupants qui font l’objet d’une procédure d’expulsion.
Sans doute dira-t-on qu’il est utile pour un créancier de savoir qu’une personne n’est plus saisissable à tel endroit pour en avoir été expulsée.
Si l’occupant est toujours domicilié dans les lieux, c’est en effet à cet endroit que l’huissier doit effectuer la saisie, laquelle sera manifestement vaine.
Mais une saisie chez un tiers est possible pour autant que le juge des saisies en donne l’autorisation sur requête (art. 1503 du Code judiciaire).
Cette disposition impose d’ailleurs au tiers une véritable obligation de délation car le tiers doit « indiquer à l’huissier de justice l’endroit où se trouvent les objets à saisir ou, le cas échéant, de faciliter ses recherches. »
L’utilité de ficher l’occupant expulsé existe mais elle est ténue et on peut s’interroger la disproportion de cette mesure par rapport à la protection de la vie privée.
On a l’impression que viendra le moment où toute personne qui se trouvera un jour en défaut devra figurer dans un fichier.
La société souhaite-t-elle cette évolution que permet la technique ?
On est passé en dix ans des titres au porteur (secret total) au registre UBO (transparence totale).
Il a fallu un arrêt (C-694/20 du 8 décembre 2022) de la Cour de justice de l’Union européenne pour faire admettre que l’obligation de notification par les avocats des dispositifs transfrontaliers à caractère fiscalement agressif n’est pas proportionnée à l’objectif de lutte contre la fraude fiscales.
La loi BCFT du 18 septembre 2017 a purement et simplement supprimé le secret professionnel de l’avocat lorsqu’il assiste ou représente un client dans la préparation ou la réalisation d’une opération immobilière ou financière.
Et on doit déclarer au fisc même ce qui n’est pas nécessairement taxé (la création d’une fondation ou d’autres structures).
À méditer en ce début d’année que je vous souhaite belle et immobilière.
La photo : une jolie villa de style moderniste avenue Edmond Parmentier 177 à Woluwé Saint Pierre (Robert Thoelen, 1936). La maison est agencée en plusieurs volumes cubiques. Les corniches en encorbellement forment des lignes qui donnent du rythme et de l’allure au bâtiment et qui en souligne les formes. Edmond Parmentier est un entrepreneur qui fit fortune grâce aux outils facilitant l’extension urbaine sous Léopold II. Le promoteur se voyait déléguer le droit d’exproprier les terrains adjacents aux voies structurantes qu’il s’engageait à réaliser. Cet aménagement conférait justement une belle plus-value aux parcelles à bâtir, bordant les nouvelles avenues, pour le plus grand profit du promoteur. Edmond Parmentier réalisa ainsi l’avenue de Tervuren chère au Roi puisqu’elle reliait son domaine de Tervuren au cinquantenaire. Devenu riche, Edmond traça et urbanisa une avenue perpendiculaire qui prit tout naturellement son nom. Il y construisit évidemment un beau domaine à l’angle formé par les deux avenues. La Woluwe passait pas là (c’est une rivière) en laissant des zones marécageuses sur son parcours. Parmentier les aménagea en deux beaux étangs aujourd’hui dans le parc Parmentier.
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