Dans une promotion immobilière, le promoteur est autorisé à bâtir sur le terrain du propriétaire qui renonce à l’accession sur cette construction.
Ces parties s’accordent aussi pour vendre ensemble, qui la quote-part terrain, qui l’appartement en copropriété dans le bâtiment construit.
De la sorte, le promoteur ne doit pas acheter le terrain pour revendre (économie des droits d’enregistrement et du financement du prix du terrain) et le propriétaire vend au prix « bâti » aux acheteurs des appartements ou des villas.
Cela rencontre évidemment l’intérêt des deux parties, le promoteur et le propriétaire.
En général, les parties concluent à cet effet une convention de renonciation à l’accession. Est-ce suffisant ?
Non. Pareil convention suppose que le promoteur puisse construire sur le fonds du propriétaire.
Cette autorisation constitue le droit de superficie, régi par une loi du 10 janvier 1824.
Il s’agit d’un droit réel, qui consiste à avoir des bâtiments, ouvrages ou plantations sur un fonds appartenant à autrui.
Ce droit doit être transcrit à la conservation des hypothèques. Sur le plan des droits d’enregistrement, le contrat de superficie est assimilé à un bail.
L’article 83 du Code des droits d’enregistrement fixe le droit à 0,20 % pour les écrits constitutifs de droits de superficie et leurs cessions.
Ce droit est dû sur le montant cumulé des redevances et des charges imposées au superficiaire pour toute la durée du contrat (art. 84).
A l’expiration du droit de superficie, l’accession joue mais le propriétaire doit rembourser la valeur actuelle des constructions (art.6), sauf dispositions contraire (art. 8).
L’article 4 de la loi précise que le droit de superficie ne pourra être établi pour un terme excédant cinquante années, sauf la faculté de le renouveler.
La renonciation au droit d’accession est en règle constitutive d’un contrat de superficie. La plupart des auteurs l’affirment depuis un arrêt de la Cour de cassation du 19 mai 1988 (J.T., 1988, p. 475).
Pour être plus précis, la convention sur l’accession est un contrat sur les effets du contrat de superficie. Cela suppose évidemment que le droit de superficie ait été constitué.
On a parfois contesté que la renonciation à l’accession soit l’expression d’une constitution de superficie, au motif que la renonciation est définitive au contraire de la superficie qui est limitée à 50 ans.
Le professeur Hansenne a proposé de reconnaître un droit sui generis dans la renonciation illimitée à l’accession (note sous Cass. 16 septembre 1966, R.C.J.B. 1968, p. 170).
Mais il reconnaît que le caractère impératif de la durée de la superficie s’y oppose, de sorte que la renonciation au droit d’accession ne permet pas d’éviter les règles (et conséquences) de l’acte constitutif de superficie.
C’est pourquoi la plupart des auteurs estiment qu’une renonciation au droit d’accession réalise en réalité un contrat de superficie. Notre analyse est qu’elle est une modalité d’une nécessairement préalable constitution d’un droit de superficie.
Notons toutefois que si la renonciation au droit d’accession figure dans un contrat personnel (bail, prêt) ou réel (usufruit) relatif à la jouissance d’un terrain, cette renonciation sera régie par les règles relatives au contrat principal et non à la loi du 10 janvier 1824, peu importe que le contrat ne soit pas conforme à l’article 4 (J. Hansenne, Les biens, Précis, T. II, p. 1249, Coll. Scientif. Fac. Droit Liège, 1996).
La Cour de cassation s’est récemment prononcée sur le droit consenti à durée indéterminée de construire sur le fonds d’un tiers (Cass. 15 décembre 2006, première chambre, section néerlandaise, rôle n° C050558N, www.juridat.be).
Dans cette affaire, les parties ne contestaient pas que leur convention avait bien fait naître un droit de superficie.
L’arrêt déféré, prononcé par la Cour d’appel d’Anvers, insistait sur le fait que la caractéristique essentielle de la superficie est que le droit en résultant est limité dans le temps (maximum 50 ans).
Or les parties n’avaient pas indiqué de durée dans leur contrat.
La Cour d’appel en avait déduit qu’à défaut d’un terme plus court stipulé dans le contrat, il fallait considérer que le droit avait été consenti pour le délai maximum de 50 ans :
“Te dezen hebben partijen geen termijn bedongen. Bij gebreke van een bedongen kortere termijn moet worden aangenomen dat het opstalrecht voor de maximumduur van 50 jaar werd gevestigd.”
Il en résultait que la résiliation unilatérale anticipée du contrat, même consenti à durée indéterminée, n’était donc pas possible.
Qu’en dit la Cour de cassation ?
C’est la première branche du moyen qui intéresse la question de la durée du droit.
“Krachtens artikel 4 van de Opstalwet kan het recht van opstal voor geen langere tijd dan van vijftig jaren worden bepaald, behoudens de bevoegdheid om het te hernieuwen.
Uit voormelde wettelijke bepalingen volgt dat wanneer het recht van opstal voor onbepaalde duur wordt bedongen, er in werkelijkheid een zakelijk recht wordt gevestigd voor meer dan vijftig jaar.
Dergelijk recht van opstal is weliswaar niet nietig, maar dient herleid te worden tot de wettelijk bepaalde maximumtermijn van vijftig jaar.
Het onderdeel dat uitgaat van een tegengestelde rechtsopvatting, faalt naar recht.”
La Cour rappelle d’abord que, suivant l’article 4 de la loi, le droit de superficie ne peut être constitué pour un terme excédant 50 ans, sauf la faculté de renouveler ce terme.
De cette disposition légale, ajoute-t-elle, il suit que quand un droit de superficie est convenu pour une durée indéterminée, c’est en réalité un droit réel qui est établi pour plus de 50 ans.
Il est vrai qu’un tel droit de superficie n’est pas nul, mais il doit être réduit à la durée maximale prévue par la loi de 50 ans, conclut-elle.
Cette jurisprudence intervient-elle dans le débat de la qualification de la simple renonciation au droit d’accession ?
On peut le penser même si, dans cette affaire, les parties ne réclamaient pas la qualification de renonciation au droit d’accession, et admettaient l’application de la loi du 10 janvier 124.
Une renonciation définitive au droit d’accession se confond en somme avec un contrat de superficie à durée indéterminée.
Si ce contrat doit être réduit à 50 ans, il devrait en être de même pour une renonciation définitive au droit d’accession.
Un arrêt de la Cour de cassation du 18 mai 2007 (première chambre, section néerlandaise, rôle n° C060086N, www.juridat.be), confirme ce qui précède.
La Cour dit dans cet arrêt que « 2. Het recht van opstal is in de zin van voormelde wet (10 janvier 1824) een tijdelijke afwijking van de artikelen 552 en 553 van het Burgerlijk Wetboek inzake het recht van natrekking dat als regel stelt dat gebouwen, werken en beplantingen aan de grondeigenaar toebehoren. »
Autrement dit, le droit de superficie est au sens de la loi une dérogation temporaire au mécanisme de l’accession.
On relèvera que, dans cet arrêt, la Cour de cassation admet qu’un droit de superficie peut être consenti sur le domaine public pour autant que ce droit n’empêche pas l’affectation du bien concerné à sa destination d’utilité publique.
Repères récents :
A. Gosselin et L. Herve, de quelques questions d’actualité au sujet d ela superficie, une institution bientôt bicentenaire aux reliefs et contours encore incertains, Rev. Fac. Droit Univ. Liège, 2007/1, p. 5.
A. Vanmuylder et J. Verstappen, Actuele problemen inzake het recht van natrekking, de verzaking daarvan, en het recht van opstal, T.not., 1992, p. 281-339.
Je vous remercie pour votre article qui m’a rassurée quant à cette matière controversée.
Bien à vous.