Les vices cachés dans la vente sont des défauts de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus (art. 1641 de l’ancien Code civil).
Cela signifie, et on l’oublie souvent, que la compensation ne correspond pas à nécessairement au coût de réparation du défaut ou au remplacement de l’élément défectueux, mais à la moins-value, plus précisément à la différence de prix par rapport à ce que l’acheteur aurait proposé s’il avait su la chose viciée.
Ces notions sont très différentes, surtout lorsque le bien présente une valeur de convenance pour l’acheteur. Une réparation peut même donner une plus-value au bien et ce n’est clairement pas ce que vise la disposition précitée.
La garantie des vices cachés est davantage une réparation du consentement de l’acheteur que du bien acheté. Les plaideurs oublient souvent cette particularité de la sanction de la garantie des vices cachés, les tribunaux aussi.
Cette nuance est également ignorée par la doctrine ; voyez par exemple H. De Page, (« Traité élémentaire de droit civil belge », T. IV, vol. I, 4ième éd. par A. M. Meinertzhagen-Limpens, Bruylant, Bruxelles 1997, p. 298 ), par contre la doctrine de Monsieur Kohl est conforme (« La vente immobilière, chronique de jurisprudence 2011-2021 », Larcier, Bruxelles, 2023, p.355 ).
En revanche, si le vendeur est de mauvaise foi, c’est le dommage total qui est indemnisé et pas le seul impact du défaut sur le prix offert (art. 1645). En ce cas en effet, les règles en matière de garantie cèdent devant celles applicables à la responsabilité ; ces institutions, garantie et responsabilité, sont différentes, faut-il le rappeler.
L’article 1646 précise donc logiquement que « si le vendeur ignorait les vices de la chose, il ne sera tenu qu’à la restitution du prix, et à rembourser à l’acquéreur les frais occasionnés par la vente. »
Devra-t-il rembourser le prorata de droits d’enregistrement sur la partie du prix remboursé, par exemple ? En réalité la loi y pourvoit déjà, comme on va le voir plus loin.
Dans les garanties de la vente, il y a aussi celle de la jouissance paisible, protégeant l’acquéreur des charges non déclarées, de l’éviction par un tiers et du fait du vendeur.
Lorsque l’éviction porte sur une partie du bien vendu, l’article 1637 organise un régime assez similaire à l’action estimatoire, mais en portant l’appréciation non pas au moment de la fixation du prix par la vente mais au moment de l’éviction : « la valeur de la partie dont l’acquéreur se trouve évincé, lui est remboursée suivant l’estimation à l’époque de l’éviction, et non proportionnellement au prix total de la vente, soit que la chose vendue ait augmenté ou diminué de valeur. »
Bref, dans la garantie de vice caché, le vendeur doit restituer la partie du prix que l’acheteur n’aurait pas offert s’il avait connu le défaut. Dans la garantie d’éviction, le vendeur doit restituer la partie du prix correspondant à la valeur au moment de l’éviction, de la partie dont le bien est amputé.
Dans les deux cas, l’acheteur a payé des droits de mutation sur un prix qui est finalement revu. Peut-il se faire rembourser le prorata à titre de dommage ? On verra que la réponse est affirmative.
Dans la garantie de vices cachés, on a sait que le vendeur de bonne foi doit rembourser à l’acheteur « les frais occasionnés par la vente » (art. 1646), ce qui interprété largement mais à tort.
Dans l’action rédhibitoire, cela se conçoit, les frais étant l’accessoire du prix. Dans l’action estimatoire ou quanti minoris, les frais de la vente ne doivent pas être remboursés à l’acquéreur puisque la vente subsiste, même avec restitution partielle du prix.
La jurisprudence est fort peu diserte sur ces questions car elle traite la sanction de la garantie comme une inexécution fautive par défaut de construction, ce qui est une erreur.
En revanche, on l’a dit, lorsque le vendeur est de mauvaise foi, toutes les conséquences du défaut de la chose font l’objet de réparation, comme en matière de responsabilité contractuelle.
L’acquéreur sur l’action rédhibitoire peut-il réclamer les droit d’enregistrement au vendeur de bonne foi ? oui car il s’agit de frais occasionnés par la vente et le loi utilise le terme « remboursé » et non « restitué ». Le vendeur devra donc payer ce qu’il n’a pas reçu comme les droits et frais de notaire.
Dans l’action estimatoire, les frais de la vente ne sont en principe pas indemnisable car même sans le défaut, ils auraient été payés. Mais l’acquéreur pourra utiliser la faculté de l’article 209, 3°/1, du Code des droits d’enregistrement.
Le principe de base est déposé dans l’article 208 de ce Code : « les droits régulièrement perçus ne peuvent être restitués, quels que soient les événements ultérieurs, sauf les cas prévus par le présent titre. »
C’est l’expression de ce que les droits sont indépendant des vicissitudes de la convention ; les droits portent sur l’acte, l’instrument, pas sur le negocium qu’il contient.
Il existe des exceptions, par exemple lorsque la convention est annulée ou résolue, dans ce dernier cas par suite d’une procédure formée dans l’année de la vente (art. 209, 3°).
En matière de restitution de la base imposable que constitue le prix, en exécution d’une garantie, l’article 209, 3°/1 prévoit également une restitution à due concurrence des droits d’enregistrement proportionnels de la vente.
Cela vaut tant pour les restitutions en exécution de l’article 1637 (éviction) que de l’article 1644 (vice caché). Le système est le suivant (A. Culot, « Manuel des droits d’enregistrement », 10ième édition, Bruxelles, Larcier, 2023, p. 349) :
- Cette restitution ne concerne que le droit de vente (articles 44 à 71, 72, alinéa 2, 74 et 75).
- Une réduction du prix de la vente est prononcée par un jugement ou un arrêt passé en force de chose jugée, pour cause d’éviction ou de vices cachés.
- La demande est introduite dans l’année de la vente. En matière de vice caché, c’est en principe le cas vu l’obligation d’agit à bref délai, c’est-à-dire bien souvent dans l’année (B. Kohl et Fr. Onclin, « L’exigence du ‘bref délai’ dans l’action en garantie contre les vices cachés », J.T., 2013, p. 563).
- Les restitution correspond aux droits proportionnels acquittés sur la partie du prix d’achat à rembourser par le vendeur mais sans que la valeur ainsi déterminée ne soit inférieure à la valeur vénale de l’immeuble dans son état au moment de l’acquisition.
Cette dernière condition devrait en principe se voir réalisée si le jugement calibre justement la restitution. C’est là que gît justement la difficulté car bien souvent les tribunaux traitent les affaires de vices cachés comme des affaires de construction en condamnant le vendeur comme s’il était un entrepreneur coupable de malfaçon. O a vu que c’est une erreur.
la possibilité de récupérer les droits sur le moins-value portée sur le prix est rarement utilisée par les plaideurs. Pourtant elle permet d’adoucir la condamnation à hauteur de 12 % ou 12,5 % de la condamnation.
Quid en cas d’abattement ? cela ne devrait rien changer car l’abattement ne porte pas sur le taux mais sur la base imposable.
En revanche, on doit espérer que le législateur s’empare rapidement de l’article 209 du Code des droits d’enregistrement. En effet, les restitutions sont conditionnées à une annulation ou une résolution « prononcée ou constatée par un jugement », ce qui laisse de côté les annulations et résolutions par notification unilatérale des nouveaux articles 5.59 et 5.93 du Code civil.
En réalité, le demandeur est obligé de citer en validation pour que le juge constate la dissolution effectuée par notification, ce qui n’est évidemment pas l’objectif s l’on dissoute le contrat par notification.
Enfin, ne perdons pas de vue que le futur livre 7, dans la version actuelle de la proposition soumise à l’enquête publique d’octobre 2024, ne retient plus la garantie de vice caché mais la délivrance conforme.
Quant à la garantie d’éviction, qui subsiste, elle ne retient plus une restitution du prix mais les sanctions de droit commun (art. 7.2.25 de la proposition et art. 5.83 du Code civil).
Il faudra donc adapter l’article 209 du Code des droits d’enregistrement.
La photo : l’entrée du bâtiment moderniste 250-264 avenue Roosevelt à Bruxelles (Josse Franssen, 1955). L’architecture est très inspirée des unités d’habitation de l’architecte Le Corbusier. On note l’auvent sur pilier en béton qui représentait à l’époque une prouesse technique. À ce sujet, tout le monde pense à l’auvent en béton armé de l’Institut de sociologie de l’ULB, qui se situe à proximité, avenue Jeanne (Robert Puttemans, 1964). On doit la structure de l’auvent à André Paduart. Le style est très années 50. Cet auvent (22 m x 11 m) est composé de quatre paraboloïdes hyperboliques, dont les piles se reflétaient dans deux miroirs d’eau, aujourd’hui supprimés (malheureuse rénovation Henri Montois, 1993). Le porte-à-faux dépasse 12 mètres. C’est un ouvrage unique en Belgique. L’Université se devait d’exprimer les possibilités du génie civil dans son architecture.
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