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Carnoy & Braeckeveldt, avocats de l’immobilier à Bruxelles

Le compromis de vente d’immeuble par acte d’avocat

La loi du 29 avril 2013 relative à l’acte sous seing privé contresigné par les avocats des parties a été publiée au Moniteur Belge le 3 juin 2013.

La loi est entrée en vigueur le 13 juin 2013.

Elle s’inspire, presque mot pour mot, de l’article 3 de la loi française du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées.

Un compromis de vente d’immeuble peut donc à présent être rédigé et signé par les avocats au titre d’acte d’avocat.

Quel est l’effet de cette manière de procéder ?

Le compromis par acte d’avocat reste, sur le plan de la vente, un compromis sous seing privé. Il ne devient évidemment pas un acte authentique.

Le compromis par acte d’avocat n’a pas davantage de portée sur le plan des obligations de la vente (délivrance, garantie et paiement).

En revanche, le compromis par acte d’avocat présente trois caractéristiques importantes qui le distinguent d’un simple compromis.

Preuve de la signature

Si une partie à un compromis conteste l’avoir signé, ou si ses héritiers ne reconnaissent pas la signature de leur auteur, il appartient à l’autre partie, qui se prévaut du compromis, de poursuivre la procédure dite de vérification d’écriture (art. 1324 du Code civil ; art. 883 et 884 du Code judiciaire).

En effet, c’est seulement l’acte sous seing privé, reconnu par celui auquel on l’oppose, qui fait foi contre celui qui l’a souscrit et ses héritiers (art. 1322).

En d’autres termes, l’acte sous seing privé qui n’est pas reconnu par une partie signataire ou par son héritier est dépourvu de force probante ; il ne peut servir que de présomption (L. Frankignoul, « L’acte d’avocat », www.procedurecivile.be).

La loi prévoit à présent que lorsque les avocats des parties signent le compromis, celui-ci fait « pleine foi de l’écriture et de la signature des parties à l’acte tant à leur égard qu’à l’égard de leurs héritiers ou ayants-cause ».

L’avocat atteste l’identité et la signature de son client et ajoute donc, à cet égard, une force probante au compromis (art. 2, alinéa 1, de la loi).

Il est évident que l’avocat devra procéder aux vérifications d’usage (carte d’identité) comme le fera d’ailleurs le notaire au stade suivant.

Une obligation d’identification de son client pèse déjà sur l’avocat (art. 3, 5°, a), 1° et 7, § 1er, de la loi du 11 janvier 1993 sur le blanchiment).

En revanche, si le compromis est signé électroniquement, les obligations de vérification de l’avocat sont moins évidentes à discerner pour lui permettre d’attester la validité formelle de l’acte.

L’avocat garantit donc l’identité et la signature de la partie qu’il assiste ; il en résulte que c’est la procédure de faux civil qui sera, le cas échéant, applicable au compromis par acte d’avocat (art. 2, in fine).

Il appartiendra à la partie contre qui l’acte est invoqué, et non plus à celle qui invoque l’acte, de mettre en œuvre la procédure, qui sera cette fois d’inscription en faux : la charge de la preuve est donc renversée.

Les parties et les avocats doivent signer l’acte.

Notons que l’article 1325 du Code civil reste d’application. Le compromis doit être établi en autant d’originaux qu’il y a de parties ayant un intérêt distinct et d’avocats signataires (art. 4), sauf s’il est revêtu d’une signature électronique.

Et, comme le veut l’article 1325, l’acte doit mentionner le nombre des originaux qui ont été faits. Le défaut de mention du nombre d’originaux ne peut être opposé par celui qui a exécuté ses engagements portés dans l’acte.

Il faut enfin que chaque partie ayant un intérêt distinct soit assistée par un avocat différent (art. 2, alinéa 2, de la loi). Un seul avocat ne peut donc établir un compromis par acte d’avocat.

Le conseil

La signature des avocats ne se limite pas aux effets probatoires de l’acte. En effet, par son contreseing, « l’avocat atteste avoir éclairé pleinement la ou les parties qu’il conseille sur les conséquences juridiques de cet acte » (art. 3).

En réalité, cette obligation de conseil n’ajoute rien au devoir de l’avocat. Elle ne fait que le confirmer.

Qu’il signe ou non le compromis, l’avocat qui assiste son client dans la vente doit attirer son attention sur toutes les implications juridiques de la vente, tant civiles que fiscales et administratives.

L’avocat doit aussi soigneusement informer son client des conséquences de ce que le compromis est un acte d’avocat, et de ce que cela implique au sens de la loi du 29 avril 2013.

L’article 3 ajoute qu’il faut faire mention dans l’acte de ce que l’avocat a exercé son devoir de conseil.

Les mentions manuscrites

La troisième conséquence est en principe de moindre importance : l’article 4 de la loi prévoit que « l’acte sous seing privé contresigné par les avocats de toutes les parties est, sauf disposition dérogeant expressément au présent article, dispensé de toute mention manuscrite exigée par la loi. »

Comme l’avocat a éclairé pleinement les parties, comme on a vu, et qu’il fait pleine foi de l’écriture des parties, pareil formalisme n’est plus nécessaire.

L’OBFG avait déclaré lors des travaux parlementaires : « à partir du moment où les engagements sont pris en présence et sous l’éclairage d’au moins un avocat, le recours à des mentions manuscrites est superfétatoire » (DOC 53 1498/002, page 2).

Il y a de nombreuses mentions obligatoires dans un compromis de vente d’immeuble (et bien d’autres encore pour un acte). Limitons-nous pour le compromis à la Région de Bruxelles-Capitale) :

  1. Le numéro du compte financier par le débit duquel la somme a été ou sera transférée (art. 20 de la loi du 11 janvier 1993),
  2. La déclaration du vendeur que le bien a fait ou non l’objet d’un permis d’urbanisme et qu’il n’est pris aucun engagement quant à la possibilité d’effectuer des actes et travaux soumis à permis (art 99 et 104 CoBAT),
  3. Les mentions de l’article 266 CoBAT en matière de préemption,
  4. La déclaration de l’acheteur de ce qu’il a été informé de l’attestation du sol et celle du vendeur de ce qu’il ne détient pas d’information supplémentaire (art. 12 de l’ordonnance du 5 mars 2009),

Ces mentions sont-elles devenues facultatives lorsque le compromis est un acte d’avocat ? Non, car ce ne sont pas des mentions manuscrites.

Cela vise en réalité la formalité du bon pour de l’article 1326 du Code civil, inapplicable à la vente qui n’est pas un contrat unilatéral.

Il existe toutefois un tel formalisme lorsque le compromis s’accompagne de l’engagement de sûreté personnelle d’un tiers à titre gratuit. Par exemple, les parents qui cautionnent le paiement du prix de vente par leur enfant.

Tout d’abord, l’engagement de sûreté personnelle ne peut être intégré au compromis ; il doit émaner d’un acte séparé.

L’article 2043quinquies, § 3, du Code civil prévoit :

« Sous peine de nullité, le contrat de cautionnement doit au moins comporter les mentions suivantes, écrites de la main de la caution :

 » en me portant caution de … dans la limite de la somme de …[en chiffres] couvrant le paiement du principal et en intérêts pour une durée de …, je m’engage à rembourser au créancier de … les sommes dues sur mes biens et sur mes revenus si, et dans la mesure où, … n’y satisfait pas lui-même.  » »

L’acte d’avocat dispensera en principe l’acte de cette mention manuscrite, même si elle est élevée au rang de condition de validité.

Cela ne dispense cependant pas l’acte de cautionnement de contenir les mentions, fussent-elles non manuscrites.

En effet ces mentions sont requises pour assurer la déterminabilité de l’engagement, condition de validité de celui-ci (art. 1129 du Code civil).

Les avocats seront prudents et veilleront à mentionner non seulement tout ce qui est prévu par la loi mais aussi tous les sujets sur lesquels ils ont pleinement éclairé leur client.

Cela leur sera d’un utile secours si leur responsabilité est un jour engagée.

Les incertitudes

L’acte unilatéral

Une promesse de vente pourrait-elle être dressée par acte d’avocat ?

La loi n’envisage manifestement que l’acte synallagmatique mais n’interdit pas qu’un acte unilatéral soit dressé par acte d’avocat.

L’exigence que l’acte soit signé par autant d’avocats que de partie n’exclut nullement qu’il n’y ait qu’une partie.

La référence à la formalité du bon pour (la mention manuscrite dispensée) confirme que l’acte unilatéral a retenu l’attention du législateur.

Les travaux parlementaires évoquaient du reste, à l’origine, les reconnaissances de dette (DOC 53 1498/005, p. 3 et 9).

La vente qui résultera de l’acceptation d’une offre par acte d’avocat ne sera toutefois pas un acte d’avocat.

De même, la vente née de la rencontre d’une offre par acte d’avocat et d’une acceptation par acte d’avocat ne sera pas davantage une vente par acte d’avocat.

L’acte mixte

Lorsque l’acte est signé par l’avocat d’une partie et que l’autre partie n’a pas fait appel à un avocat, est-il concevable que les effets attachés à l’acte d’avocat n’existent que pour l’engagement de la partie assistée ?

Cela ne semble pas concevable car l’article 4 dispose que « l’acte est contresigné par les avocats de toutes les parties, chaque partie ayant un intérêt distinct devant être assistée par un avocat différent. »

De plus, les travaux parlementaires insistent sur la nécessité de ce que les parties soient à armes égales (DOC 53 1498/005, p. 8).

Un effet limité

L’acte d’avocat ne fait pas foi envers les tiers quant à sa date. L’article 1328 du Code civil reste applicable.

L’acte d’avocat ne confère à la convention aucune garantie de légalité ni de sincérité.

Cependant, lorsque l’acte et affecté d’illégalité, le devoir de conseil de l’avocat a été méconnu. La partie assistée disposera d’un recours en responsabilité contractuelle contre son avocat.

Pourra-t-elle agir en responsabilité extra contractuelle contre l’avocat de l’autre partie, comme cela pourrait survenir avec un notaire ? Cela n’est pas exclu dès lors que l’illicéité de l’accord cause un dommage aux deux parties.

Les Ordres devraient s’en ouvrir aux assureurs couvrant la responsabilité des avocats car cela pourrait constituer une source d’aggravation du risque.

La force exécutoire

L’acte d’avocat n’a aucune force exécutoire. La proposition de loi initiale contenait un régime d’homologation par le juge.

Actuellement, il n’est pas possible de présenter tout accord au juge pour le faire homologuer et bénéficier d’un jugement d’accord exécutoire.

Ce n’est possible que dans certaines matières (résiliation de bail commercial, instances en faux art. 906, partage art. 1209, divorce art. 1255, mesures provisoire art. 1256, enfants mineurs art. 1298, règlement collectif art.  1675/7, réorganisation judiciaire art. 626, liquidateur art. 588, société art. 606).

La demande fondée sur l’article 733 du Code judiciaire (conciliation) suppose qu’une contestation existe et que le juge concilie les parties, puis dresse le P.V. de conciliation.

L’article 1043 du Code judiciaire prévoit que le juge homologue l’accord sur la solution du litige dont il est régulièrement saisi ; cela suppose une procédure litigieuse préalable.

Et l’article 1733 n’est accessible qu’à l’issue d’une médiation.

Acte d’avocat ou pas, il faut donc passer l’accord en forme authentique, devant notaire, pour qu’il soit exécutoire.

Et encore, en ce cas reste-t-il requis que l’obligation soit susceptible d’exécution sans la moindre interprétation.

Il est donc regrettable que la procédure d’homologation n’ait pas été retenue par le législateur. Cela serait très utile pour les transactions, par exemple.

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