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Carnoy & Braeckeveldt, avocats de l’immobilier à Bruxelles

Le point sur les plus-values internes

Les plus-values sur actions et parts réalisées par des personnes physiques sont taxables lorsque :

  • Soit il s’agit d’une plus-value réalisée dans le cadre de l’activité professionnelle : je n’examinerai pas cette hypothèse ;
  • Soit lorsqu’elle est réalisée en dehors de la gestion normale du patrimoine privé, ceci au regard de l’article 90, 1°, ou 90, 9°, du CIR.

Je me pencherai plus particulièrement sur l’article 90, 9°, du CIR dont le champ d’application est plus favorable à l’administration fiscale.

L’article 90, 9°, du CIR dispose que sont des revenus divers :

« Les plus-values sur actions ou parts qui (…) sont réalisées à l’occasion de la cession à titre onéreux de ces actions ou parts, en dehors de l’exercice d’une activité professionnelle, à l’exclusion des opérations de gestion normale du patrimoine privé ».

Hormis donc l’hypothèse d’une plus-value obtenue lors de l’activité professionnelle, il suffit donc pour l’administration de démontrer que la plus-value a été réalisée lors d’une opération de gestion anormale du patrimoine privé.

Entendez par là une opération qui sort des limites de ce que ferait simplement un bon père de famille.

Dans ce cadre, se pose tout particulièrement la question des plus-value interne.

La plus-value interne se distingue de la plus-value externe en ce sens que la cession des parts est effectuée par la personne physique a une société holding dont elle a le contrôle voire dont elle est également le gérant ou administrateur.

Il convient à cet égard de distinguer deux façons de procéder.

  1. Vente à une société holding contrôlée 

Dans cette hypothèse, SDA et jurisprudence considèrent que la plus-value réalisée lors de la vente des parts que l’associé détient sur une société d’exploitation à une holding ne ressort pas de la gestion normale du patrimoine privé car cela ne confère aucun avantage – autre que fiscal – de transférer les parts détenues à une holding dont on détient aussi les parts.

Agir de la sorte est aboutira sans nul doute à une taxation de la plus-value au taux de 33 % sur base de l’article à 90, 9°, CIR/92.

  1. Apport à une société holding contrôlée

La vente des actions ou parts n’étant donc pas fiscalement intéressante, la plus-value interne a été complexifiée en réalisant successivement un apport des actions ou parts détenues à une holding suivi d’une réduction de capital non taxée.

Les conditions généralement retenues par le SDA afin d’accorder l’absence de taxation sur base de l’article 90, 9°, du CIR sont :

  • L’absence de réduction de capital par la holding pendant au moins trois ans,
  • L’absence de réduction de capital dans la société opérationnelle durant trois ans, sauf justification économique, et sans que ces flux financiers ne bénéficient in fine aux associés de la holding,
  • Une constance dans la distribution des dividendes avant et après apport,
  • Une constance dans les management fees.

Bref, il faut qu’il puisse être perçu que le but n’est pas de bénéficier d’un avantage fiscal, du moins d’un avantage fiscal immédiat.

Néanmoins, le SDA ne donne désormais plus son avis quant à d’éventuelles réductions de capital qui interviendraient ultérieurement[1].

Si la disposition anti-abus devait être mise en œuvre face à un tel apport, l’article 90, 9°, CIR/92 qui vise la cession, trouverait-il à s’appliquer ?

À notre avis, la taxation au taux distinct de 33 % applicable en cas de plus-value comme revenu divers ne devrait guère trouver à s’appliquer.

Il faudrait que l’administration poursuive la requalification de la cession.

Lorsque l’article 344, § 1er, du CIR est appliqué avec succès, l’administration doit appliquer un prélèvement conforme à l’objectif de la loi, soit le prélèvement qui eut été appliqué en l’absence du ou des actes juridiques posés par le contribuable afin de bénéficier d’un régime fiscal plus favorable.

Or, en l’espèce, les actes posés sont un apport des parts à une holding et une réduction de capital de la holding.

Sans ces actes, non opposables à l’administration qui applique l’article 344, c’est une distribution de dividendes par la société d’exploitation qui aurait eu lieu.

Dès lors c’est le précompte mobilier de 27 % (bientôt 30%) qui a été évité et qui doit donc trouver à s’appliquer.

  1. Evolution législative et abus fiscal

Le gouvernement entend contrer la technique des plus-value interne[2].

Ainsi, pour les apports effectués avant le 1er janvier 2017, l’administration aura pour mission de contrôler l’opération sur pied de l’article 344 CIR/92.

A partir du 1er janvier 2017, les apports effectués à une holding ne seront considérés comme étant du capital réellement libéré qu’à concurrence de la valeur d’acquisition originelle des actions ou parts de la société d’exploitation.

Il est donc urgent de procéder rapidement à la constitution de sociétés holding afin d’y apporter les parts et actions des sociétés encore détenues en personne physique.

L’administration pourrait toujours être tentée de faire jouer l’article 344 CIR/92.

Cependant, si aucune réduction de capital n’a lieu au sein de la holding, je ne vois pas sur quelle base l’administration fiscale pourrait arguer l’existence d’un abus.

En effet, le seul apport de parts sociales détenues en personne physique à une holding ne peut en soit être constitutif d’un abus.

Il s’agit d’un pur acte de disposition : le contribuable choisit à sa guise de détenir les parts d’une société d’exploitation en personne physique ou via une holding.

Si l’administration entend mettre en place une taxation – par hypothèse au taux du précompte mobilier (voy. supra) – au seul stade de l’apport, cela signifie qu’elle préjuge des intentions future du contribuable.

En effet, pour réellement bénéficier d’un avantage fiscal, le contribuable devra (dans le futur donc) effectuer une réduction de capital.

Au moment de l’apport, le contribuable personne physique ne bénéficie d’aucun avantage fiscal.

L’apport de parts sociales à sa holding ne lui confère aucun avantage et ne change rien à sa situation si ce n’est qu’il percevra dorénavant ses dividendes de la holding plus de la société d’exploitation, voire que la holding sera gérant/administrateur de la société d’exploitation.

Pire, 5% du montant des dividendes octroyés par la société d’exploitation à la holding subiront l’Isoc.

Comme la situation du contribuable personne physique ne change guère, l’administration pourrait insister et prétendre que, en conséquence, le seul intérêt de la manœuvre est de réduire – dans un futur plus ou moins lointain – le capital de la holding sans subir le moindre impôt.

Certes, sauf à considérer les nécessités de restructuration d’un groupe, il s’agit du seul intérêt de l’opération.

Mais comme souligné, rien n’indique qu’une réduction de capital aura nécessairement lieu.

En effet, même si ce n’était pas sa première volonté, l’associé de la holding pourrait très bien avoir l’opportunité de revendre ses parts à un tiers intéressé : de la sorte il réalise une plus-value ressortant de la gestion normale du patrimoine privé et ne subit donc aucun impôt.

Si l’article 344 a sans doute une vocation d’application assez large, il ne peut raisonnablement trouver à s’appliquer à une situation potentiellement imposable.

Ce n’est qu’au moment de la réduction de capital qui intervient ultérieurement que se concrétise l’évitement de l’impôt.

La question qui se pose alors est la suivante : est-il possible de considérer que la disposition anti-abus puisse encore trouver à s’appliquer si la réduction de capital intervient 3 ans (voire 7 ans s’il devait être considéré qu’il s’agit d’un cas de fraude) après le 1er janvier de l’année X + 1, où X est l’année de l’apport à la holding.

Autrement dit, l’imposition de l’acte d’apport est-il possible en dehors des délais ordinaires et extraordinaires de taxation ?

Une dernière formulation possible de la question est : pour l’application de l’article 344, § 1, CIR/92, doit-on prendre en considération l’acte d’apport ou la diminution de capital ?

A mon avis, il faut raisonner en se disant que c’est la nécessaire combinaison d’un apport en société suivi d’une réduction de capital qui permet d’éviter l’impôt.

Prise individuellement, ces opérations ne sont pas constitutives d’un abus quelconque.

Dans la mesure où, par hypothèse, les délais d’investigation quant au premier acte (apport) sont dépassés (après 3 ans, voire 7 ans), il ne devrait plus être possible à l’administration de se prévaloir de cet acte prescrit.

Effectuer le second acte après de délai de prescription doit donc aboutir à l’absence d’abus car l’administration n’est plus fondée à se prévaloir d’un acte prescrit.

La réduction de capital ultérieure ne peut donc s’analyser que comme étant l’expression du choix licite de la voie la moins imposée.

Encore que, comme déjà exposé, la revente des parts de la holding à tiers serait encore moins imposée puisque les réserves constituées par la holding (à sortir avec précompte) ne subiraient aucun impôt alors qu’elles participent à la détermination du prix de revente des parts.

Admettre la possibilité pour l’administration fiscale de se prévaloir de la disposition anti-abus pour deux actes séparés de plus 3 ans ou 7 ans reviendraient à faire peser une épée de Damoclès éternelle sur la tête du contribuable.

  1. Conclusion

Il convient d’apporter les parts de ses sociétés d’exploitation à une holding avant le 1er janvier 2017.

Un délai d’attente de 3 ans, voire 7 ans, doit séparer l’apport et la réduction de capital dans la holding afin d’assurer l’impossibilité pour l’administration de se prévaloir de la disposition anti-abus.

[1] Avis du SDA sur les plus-values sur actions et parts du 26 novembre 2013, disponible sur www.ruling.be.

[2] JVD, « Plus-values internes : le gouvernement veut parer à la ‘technique d’évitement’ », Le Fiscologue, n°1494, pp. 1-2.

La photo : Place des Barricades à Bruxelles. En 1865, Victor Hugo vient y habiter. En 1871, il publie dans le journal L’Indépendance Belge une lettre ouverte soutenant la Commune de Paris. Le gouvernement belge (catholique), plein de clairvoyance, signa aussitôt l’ordre d’expulsion de Victor Hugo et de sa famille.

Commentaires

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Un commentaire Poster un commentaire
  1. Colas #

    Pour ce qui est de la clairvoyance du gouvernement belge de 1871, elle fut en effet très grande et consistait à ne pas offusquer le grand voisin français qui aurait bien vu là une occasion de redorer son blason fort écorné (et ce n’était qu’un début) par la Prusse. Il est toujours plus facile de frapper son petit voisin que son égal.

    novembre 7, 2016

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