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Gilles Carnoy logo Carnet de route en Droit Immobilier

Carnoy & Braeckeveldt, avocats de l’immobilier à Bruxelles

La lutte contre les immeubles inoccupés

Une ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale, du 6 décembre 2012, modifiant le Code du logement, nous donne l’occasion de faire le point sur la problématique des immeubles inoccupés à Bruxelles.

Le législateur régional a développé pour l’essentiel deux outils de lutte contre ce fléau, le droit de gestion publique et les amendes en cas de logement inoccupé.

L’article 18 du Code du logement en Région de Bruxelles-Capitale instaure un droit de gestion publique pour tout opérateur immobilier public sur les logements inoccupés.

Mais d’abord, comment repérer les logements inoccupés ?

L’ordonnance du 6 décembre 2012, modifiant l’article 18 précité, donne à l’administration les moyens d’appliquer le droit de gestion publique (Moniteur Belge du 18 décembre 2012).

L’idée est simple : un logement inoccupé ne consomme en principe pas beaucoup d’eau ni d’électricité.

Il est donc prévu que dans le respect de la loi sur la protection des données personnelles, l’Intercommunale bruxelloise Hydrobru et le gestionnaire de transport régional d’électricité, communiquent au moins une fois par an à l’administration, la liste des logements peu consommateurs.

Ce dispositif complète la présomption qui existait déjà dans l’article 18, § 2, 1° et 2°, du Code du logement.

Selon cette disposition un logement est présumé inoccupé s’il n’est pas garni de mobilier ou si la consommation d’eau ou d’électricité est inférieure à un seuil fixé par arrêté.

L’ordonnance du 6 décembre 2012 permet à présent à l’administration de trouver l’information à la source.

L’administration établira chaque année la liste des logements dont les compteurs d’eau ou d’électricité présentent une consommation inférieure au seuil de l’article 18, § 2, 2°.

Cette liste devra être tenue à la disposition des services régionaux et communaux en charge de la lutte contre les logements inoccupés.

Ce nouveau système est entré en vigueur le  18 décembre 2012.

L’objectif, on l’a dit, est de faciliter la mise en œuvre du droit de gestion publique des logements inoccupés.

Sont aussi visés, les logements non rénovés qui ont fait l’objet d’un constat de non-conformité des lieux aux exigences de sécurité, de salubrité et d’équipement visées à l’article 4 du Code du logement.

Comment se présente cette procédure ?

Elle est d’abord amiable : l’opérateur immobilier public propose, par lettre recommandée, au propriétaire de gérer son bien par une mise en location, le cas échéant après avoir exécuté des travaux.

À cet effet, les agents inspecteurs du Service d’inspection régionale ont le droit de visiter l’habitation.

Notons que les associations ayant pour objet la défense du droit au logement, agréées par le Gouvernement de la Région, peuvent dénoncer des logements inoccupés.

Si le propriétaire accepte, un contrat-type lui est proposé, qui fixe le loyer calculé selon des critères arrêtés par le Gouvernement.

Notons pour l’anecdote que le Conseil d’État, dubitatif, a interrogé la Cour constitutionnelle sur la légalité de la méthode de calcul du loyer (arrêt du 19 décembre 2011).

Si le propriétaire refuse ou ne répond pas, il est mis en demeure de louer son bien, éventuellement après avoir réalisé les travaux requis, à peine de quoi le bien sera mis en gestion publique.

Passé le délai (minimum deux mois), le droit de gestion publique est notifié par lettre recommandée au propriétaire.

L’opérateur immobilier public peut alors effectuer les travaux nécessaires et louer le bien pendant neuf ans, aux conditions de l’accès au logement social.

La période de neuf ans peut être prolongée pour permettre l’amortissement des travaux.

Les baux conclus par l’opérateur immobilier public sont opposables de plein droit au propriétaire, lequel reçoit le loyer fixé par l’opérateur immobilier public qui agit à sa place.

L’opérateur rend compte de sa gestion au propriétaire par un rapport annuel.

À tout moment le propriétaire peut demander de reprendre la gestion de son immeuble mais il doit avoir remboursé les frais exposés par l’opérateur immobilier public.

Le propriétaire doit évidemment poursuivre le bail conclu sous gestion publique.

Deux éléments attirent notre attention :

  1. Toute la procédure se fait par lettre recommandée. Si le propriétaire est à l’étranger et que son adresse n’est pas connue, il risque de se voir imposer la gestion publique alors qu’il se réserve tout simplement le bien pour son retour.
  2. Le Code prévoit que si le propriétaire reprend la gestion au terme du droit de gestion, il doit offrir l’habitation par priorité au locataire en place, moyennant un loyer qui ne peut dépasser de plus de la moitié le dernier loyer …

La Cour constitutionnelle a considéré dans son arrêt n° 69/2005 du 20 avril 2005 que le droit de gestion publique ne constitue pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété.

Pourtant l’obligation de poursuivre une location « sociale » après le droit de gestion publique me semble une atteinte excessive au droit de propriété.

Quoiqu’il en soit, le système n’a pas connu le succès espéré.

La raison tient évidemment dans l’état des immeubles concernés : les Communes n’ont pas les budgets pour avancer le coût des travaux.

De plus, le délai de neuf ans pour récupérer les frais investis dans la rénovation est court en considération des loyers sociaux.

La précédente expérience (l’article 27 de la loi du 12 janvier 1993 relatif à la réquisition d’immeubles) avait aussi été un coup dans l’eau.

Il faut dire que cette loi ne pouvait être appliquée par une Commune que si elle ne disposait pas elle-même d’immeubles vides pouvant être affectés au logement sans gros travaux. Or toutes les Communes en possèdent…

Le droit de gestion publique est resté lettre morte.

Ou presque, parce que récemment, les Communes de Ixelles et Saint-Gilles (avec l’association Rassemblement bruxellois pour le Droit à l’Habitat) ont pour une première fois mis en œuvre le droit de gestion publique. Mais c’est bien peu.

Il ne sert pas à grand-chose de modifier le Code du logement pour mieux repérer les logements inoccupés si, de toute façon, l’argent fait défaut pour gérer ces immeubles.

Sensible à cette réalité, la Région s’est donné les moyens d’intervenir pour financer les travaux.

L’arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 30 novembre 2006 a organisé le Fonds du droit de gestion publique.

Le Fonds accorde des prêts sans intérêts, remboursables en maximum neuf ans dès la fin des travaux.

Le montant du prêt ne peut dépasser 50 % du montant total des travaux prévus, ou 80 % si l’immeuble est situé en Espace de Développement Renforcé du Logement et de la Rénovation.

Le coût total ne peut dépasser 50.000 € par unité de logement (art. 88, § 2, du Code du logement).

Récemment, la Région a annoncé qu’elle voulait relever la part des travaux finançables de 50 à 70 % et de 80 à 90 % pour les immeubles en E.D.R.L.R.

Sera-ce suffisant ? On peut en douter.

Entre temps, de nombreux biens restent vides alors qu’une grave crise du logement se présente à Bruxelles, dans le logement pour les personnes à faible revenu.

C’est particulièrement choquant lorsque le propriétaire est une société … de logement social comme à Watermael-Boitsfort.

En effet, dans la S.I.S.P. Le Floréal, pas moins de 164 logements sont inoccupés depuis des années ! (mais le Ministre Doulkeridis s’en préoccupe enfin).

Il y a d’autres manières de lutter contre les immeubles inoccupés.

Tout d’abord, il faudrait instituer non pas une gestion publique pour le compte du propriétaire négligent, mais une mise en vente avec charge de rénovation, pour son compte.

Sans doute le caractère de quasi expropriation de cette mesure, et sa compatibilité avec les normes protectrices de la propriété privée, en droit national et international, ont contenu le législateur.

L’article 16 de la Constitution et l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme garantissent en effet le respect de la propriété, mais l’article 23 de la Constitution garantit, quant à lui, le droit à un logement décent.

Il existe un autre outil, autrement efficace mais pareillement inutilisé.

L’ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 30 avril 2009 a introduit dans le Code du logement des sanctions en cas de logement inoccupé.

Cette ordonnance a passé avec succès l’épreuve d’un recours en annulation devant la Cour constitutionnelle (arrêt n° 91/010 du 29 juillet 2010).

Notons que dans cet arrêt, la Cour reconnaît : « dans l’exercice de leur compétence en matière de logement, les Régions peuvent apporter des restrictions au droit de propriété, notamment en vue de donner exécution à l’article 23 de la Constitution. La mise en œuvre d’une politique du logement implique en effet que des limites soient apportées à l’exercice des droits des titulaires de droits réels sur les immeubles concernés par les mesures destinées à atteindre les objectifs du législateur en matière de droit au logement ».

Voyons le mécanisme de l’ordonnance du 30 avril 2009 qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2010. En voici les grandes lignes.

Le fait de maintenir un immeuble inoccupé est désormais constitutif d’infraction administrative.

L’auteur de l’infraction est celui qui dispose d’un droit réel lui conférant la jouissance du bien, à savoir le propriétaire, l’usufruitier, le superficiaire et l’emphytéote.

Le locataire qui n’occupe pas n’est pas visé. La loi ne parle pas de l’usufruitier.

Le bien visé est tout bâtiment ou une partie de bâtiment destiné au logement d’un ou de plusieurs ménages.

Les agents du service chargé de contrôler le respect du Code du logement ont qualité pour rechercher et constater par procès-verbal, faisant foi jusqu’à preuve du contraire.

Les agents peuvent visiter le logement entre 8 et 20 heures après un avertissement préalable par lettre recommandée envoyée au moins une semaine avant la visite.

Seront prises en considération, les plaintes émanant :

  • Du Collège des Bourgmestre et échevins,
  • D’associations reconnues de défense du droit au logement.

Ces associations peuvent dénoncer les inoccupations à l’autorité administrative et/ou agir en cessation devant le juge pour faire cesser l’inoccupation.

L’amende ne peut être exigée avant l’envoi d’un avertissement au contrevenant avec mise en demeure de mettre fin à l’inoccupation dans les 3 mois.

L’avertissement contient des informations sur :

  • Le rôle du Centre d’Information pour le Logement,
  • Les mécanismes du droit de gestion publique,
  • La prise en gestion par une agence immobilière sociale.

L’amende administrative est de 500 € x nombre de mètres courant de la plus longue façade x nombre de niveaux x nombre d’années x proportion de niveaux inoccupés.

Le paiement de l’amende est garanti par une hypothèque légale sur le logement.

Le recouvrement se fait prioritairement par la vente forcée du bien concerné.

Le contrevenant peut introduire un recours contre l’amende par requête devant le tribunal de première instance, dans les 30 jours de la notification de la décision d’imposer la taxe.

À côté de l’amende administrative, une action en cessation, comme en référé, devant le président du tribunal de première instance, est introduite.

Cette action est formée par une association reconnue ou par les autorités administratives.

L‘objet de l’action est de faire injonction au propriétaire de prendre « toute mesure utile afin d’assurer l’occupation du logement dans un délai raisonnable. »

La compétence territoriale n’est pas précisée. On appliquera donc le droit commun, à savoir l’article 624 du Code judiciaire.

La demande de cessation sera en règle assortie d’une demande d’astreinte.

Ce système paraît particulièrement efficace. Il ne demande qu’à être mis en œuvre et il est temps que les autorités et les associations agréées s’en emparent.

Mais, ici aussi, les choses sont lentes à démarrer.

Terminons en citant encore deux mesures destinées à lutter contre les immeubles inoccupés.

Il y a bien sûr les taxes communales et non régionales.

À Molenbeek, par exemple, un immeuble resté inoccupé six mois consécutifs est frappé d’une taxe, pour le premier exercice, de 150 € par mètre courant de façade et par niveau inoccupé.

À Boitsfort, où se trouvent les 164 maisons inoccupées du Floreal, la taxe est due lorsque personne ne réside dans l’immeuble ou lorsque la consommation d’eau n’atteint pas 5 m³.

La taxe boitsfortoise est de 1.040 € par logement ; Le Floreal a-t-il été taxé ?

Enfin, toujours dans le même ordre d’idée, l’ordonnance régionale bruxelloise du 23 juillet 1992 modifié le 13 avril 1995 a considérablement réduit la possibilité pour un propriétaire d’obtenir une remise du précompte immobilier pour les immeuble improductifs (comprenez inoccupés).

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  1. Arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 6 juin 2014 relatif aux logements inoccupés (M.B., 26 août 2014).

    Art. 2. Les consommations minimales en-deçà desquelles il y a lieu de présumer le logement inoccupé conformément à l’article 15, § 2, 4° de l’ordonnance, sont de :
    – cinq mètre cube d’eau par an;
    – cent kilowattheures par an.

    Art. 3. § 1er. Conformément à l’article 15, § 6, de l’ordonnance, chaque collège des bourgmestre et échevins communique au service régional chargé de la lutte contre les logements inoccupés, la liste actualisée des logements dont l’inoccupation est avérée et qui sont situés sur leur territoire.
    (…)

    août 26, 2014

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